Still life ou les ordures magnifiées. Dans sa nouvelle série de “tableaux“, le photoshopper virtuose Robin Lopvet réhabilite nos déchets du quotidien. Une deuxième vie dans de tourbillonnantes natures mortes pour une matière première faite de fruits en pourrissement, coquilles d’œufs, épluchures de légumes, sacs plastique, feuilles mortes, matériel de cuisine usagé, et autres canettes. 

Nous suivons et aimons le travail de l’artiste visuel Robin Lopvet depuis un certain temps (post dans Brainto ici) et nous avons voulu partager cette étonnante nouvelle série car elle vaut bien le détour (possiblement vue dans FishEye et autres Libération). Chez Robin Lopvet, rien ne se perd et tout se transforme, car ce photographe 5.0 qui a appris Photoshop avant la photographie est devenu un serial retoucheur et expert en mélange d’éléments hétéroclites pour fabriquer des images burlesques, dérangeantes et drôles. Dans Still life, il exploite encore à fond ses talents de retoucheur, ici à la manière d’un peintre flamand psychédélique, et compose ces grandes "toiles" à la fois harmonieuses et éclatées. On circule dans une sorte de décharge en apesanteur, où le flétrissement et la pourriture brillent sous sa virtuosité numérique, où les ordures vivent leur deuxième vie avec éclat. On pourrait se contenter de trip visuel pleinement satisfaisant, cependant on se doute bien que ces vanités pimpantes défendent un propos plus que nécessaire
Le plus simple était de demander à Robin Lopvet, et il nous a répondu.

Robin Lopvet : "Le déchet est un objet philosophique intéressant. C’est par définition ce que notre société produit mais ne veut plus voir, personne n’en revendique la propriété. C’est pour moi un portrait en creux de l’humanité. Ça dit beaucoup de choses sur ce que nous sommes. Je trouve une certaine poésie à ramasser ces productions abandonnées, et à travers l’éclairage et la retouche leur redonner une certaine forme de beauté, de rendre captivant leur étrangeté. Redonner à voir ce que l’on voudrait faire disparaître, et qui représente un enjeu énorme au niveau écologique". 
Détail :

Robin Lopvet : "J’avais déjà produit une pièce sur la récupération de nourriture, et plus généralement ma pratique parlait déjà de la récupération / transformation d’objets. J’ai aussi réfléchi à investir et à prolonger ce que je fais pour gagner ma vie (de la retouche pour une maison de haute couture) et à intégrer cela". 
Le gaspillage de nourriture alors même que certain.e.s n’ont pas de quoi se nourrir est écœurant, révoltant, bien évidement. Pour toucher nos consciences, Robin Lopvet s'attaque à cette aberration choquante en utilisant pleinement sa technique de retoucheur hautement qualifié pour des grandes marques de luxe. Les déchets sont ici traités avec le même soin que des bijoux ou des parfums et en ressortent magnifiés, la résurrection de ces laissés pour compte est alors éclatante de beauté. Chacune de ses "toiles" est une explosion vivace de déchets rendus intéressants à nouveau comme pour une campagne anti-gaspillage de luxe.

Robin Lopvet : "J’ai commencé à récupérer au (très grand) marché du samedi à Arles. Ça a fourni une bonne partie de la matière première que j’ai utilisée. Il y a aussi des choses trouvées dans la rue, et j’ai pioché également dans des objets qui allaient partir à la déchèterie. La nourriture est une partie du sujet mais je veux élargir à plus que ça".
Détail :

Robin Lopvet : "J’ai maintenant commencé à scanner des objets, mais jusqu’ici, j’ai fait de la photo en studio. Comme cela je peux modeler et contrôler les lumières à ma guise". 

Robin Lopvet : "Mon point de départ est un assemblage d’objets un peu gros, que je shoote en gardant le fond, avec un cadre plus large. Ensuite, je shoote des éléments séparés, qui me font une base de données. Je compose ensuite les formats. je fais des croquis en cours de route pour voir où je vais incruster les éléments. Pour moi, il s'agit de tableaux même si la matière est photographique".

Robin Lopvet : "J’ai fait une vingtaine de "tableaux" pour le moment. Je pense que je suis juste au début de ma recherche. Je vais, bien entendu, la continuer, en axant sur le choix de la matière que je photographie. 
Quels vont être les déchets ? 
Quel sens cela va-t-il prendre ? "
Par le pouvoir sublimatoire de Robin Lopvet, ces natures mortes et vivantes virevoltant dans cette belle lumière ne peuvent que nous mettre sur la sellette. Le propos est évidement écologique, nous surconsommons avec outrance et obscénité. 
Ce tourbillon organique en décomposition transcendé est simplement un rappel éclatant que nous faisons tous partie du problème