On peut et on pourra toujours renouveler la représentation du visage, il y aura toujours des humains pour avoir envie de représenter leurs pairs. La longue série des portraits en collage d'Ewa Look avec leur redoutable simplicité en est une démonstration convaincante de plus. 

On est abonnés depuis un certain temps maintenant au compte Instagram de Ewa Look, et les personnages qui s’ajoutent régulièrement à sa singulière galerie de portraits nous sont devenus comme des familiers. Les visages, tristes ou gais, déstructurés pas ses coups de ciseaux font resurgir le même plaisir que les drôles de portraits cubistes aux "yeux dans les coins"enfouis dans notre mémoire. Au début, d’ailleurs, on les trouve plutôt amusants avec leurs déformations expressives, mais par la suite, on peut se laisser gagner par d’autres émotions comme leur angoisse ou leur tristesse. En ce moment, les visages d’Ewa Look semblent profondément affligés —comme nous-mêmes— par le massacre en cours, et c’est l’effroi que l’on croit lire dans leurs yeux agrandis. Et c’est en cela qu’ils nous sont devenus familiers, ils réagissent comme nous, et on projette nos sentiments dans leurs expressions.

Depuis quelques temps, on a l'impression d’assister à une belle résurgence du collage analogique et surréaliste, que nous relayons avec grand plaisir ici et . Ou . Ils ont tous une forte identité bien reconnaissable. C’est bien le cas d’Ewa Look. Cette "portraitiste-collagiste" a trouvé indéniablement son style, le "Ewa look" en quelque sorte, et les visages qu’elle publie sont complètement siens. Au premier coup d’œil.
Nous pensions Ewa Look ukrainienne, ses posts étant souvent géolocalisés à Kiev. Nous l’avions contactée pour lui poser quelques questions sur son travail, et quand les Russes ont envahi, on s’est inquiétés de savoir si elle était en sécurité.
Elle nous a répondu.

"Kiev est toujours libre 🇺🇦." dit Ewa en préambule de toute réponse à nos questions.
Ewa Look nous a rassurés, nous a dit être Polonaise, habitant en Pologne, mais proche sentimentalement de l’Ukraine. Alors pourquoi cette géolocalisation à Kiev de ses posts Instagram?
Ewa Look : "Je n'y vis pas. (à Kiev) Sur mon compte, j'ai indiqué qu'il s'agissait de ma base parce que j'ai reçu quelques magazines ukrainiens qui m'ont beaucoup inspirée et que j'ai utilisés pour mes collages. J'envisageais de m'y installer et je voulais attirer l'attention sur l'Ukraine et ses créateurs. Mon cœur est avec le peuple ukrainien qui souffre.

Comment est-elle devenue "portraitiste-collagiste" ?
Ewa Look : "Ça avait l'air amusant, honnêtement. Puis il s'est avéré que j'avais un don pour ça". 
Là, on est bien d’accord avec elle.

Ewa Look : "J’ai commencé à faire des portraits en particulier car cela me semblait être un objectif très précis et gérable. Et il y a des mondes entiers dans le visage humain. Par dépeindre un visage, vous dépeignez tout". 

Et technologiquement comment cela se passe ?
Ewa Look : "Des ciseaux et de la colle ! Je commence par regarder des images dans des magazines et d'autres médias et je laisse mon imagination voir les possibilités d'abstraction et de combinaison. Puis je découpe. Les éléments découpés peuvent rester sur place pendant un certain temps jusqu'à ce que j'en aie besoin pour quelque chose. Puis j'assemble et je colle. C'est assez simple".  
Simple et analogique, donc. Et cette simplicité perdure visuellement jusque dans ces visages découpés-défigurés-transcendés, et c’est là, la grande force d’Ewa.

Ewa Look : "Parfois, ce sont des personnes réelles qui m'inspirent, parfois non. Et en général, tout ce qui m'entoure m'inspire".
Le portrait ci-dessous est : 
"Florence, jeune veuve de 65 ans, a épousé un homme très strict, qui l'a toujours poussée à se maquiller et à couvrir ses cheveux gris. Après sa mort, Florence a commencé à se découvrir, à aimer sa beauté naturelle et les talons hauts de Christian Louboutin. Aujourd'hui, elle s'en moque, elle met son rouge à lèvres et c'est tout".