Au premier abord, ils sont bien entendu risibles, ces portraits de la mère, du père et du frère de Spasi Sohrani accoutrés dans ces costumes improbables, visiblement faits à la main, à la façon de déguisements pour une fête de fin d’année du primaire. Mais il y a tellement de dignité de leurs poses et de conviction de ne pas craindre le ridicule qu’ils en sont aussi immensément touchants. Et nous de sourire sans malveillance et d’envier cette chère Spasi Sohrani d’avoir des parents assez ouverts et libres pour participer à un tel projet familial, une complicité obligatoirement chargée de rire et d’amour. Et le résultat est à la hauteur de cette collaboration assez rare.

Spasi Sohrani : " Je suis née et j'ai grandi à Kiev, en Ukraine. J'ai commencé à prendre des photos au début de 2020, lorsque le monde entier était fermé pour cause de quarantaine. Mes parents sont originaires d'un petit village où j'ai passé mes étés. La plupart des photos ont été prises exactement là où mes parents - ils étaient et ils sont mes personnages principaux - vivent maintenant. Je fabrique moi-même tous les costumes pour la photo. J'ai appris à coudre, tricoter et bricoler pour créer des images plus complexes et plus excitantes. Mon objectif est que la personne qui regarde mes photos s'arrête, jette un coup d'œil, sourit, puis passe à autre chose. J'aimerais que les gens sourient davantage et croient en leurs forces. "

Quand elle était enfant, les gentils et patients parents de Spasi Sohrani avaient pour habitude de coudre des costumes de fête en forme de lapin ou de flocon de neige pour elle et son frère. Aujourd'hui, Spasi Sohrani coud des costumes bizarres pour eux, non pas pour célébrer des fêtes, mais pour prendre des photos de famille et profiter encore du temps passé ensemble. Au début de la pandémie, les parents de Spasi Sohrani ont quitté Kiev pour s'installer à la campagne. Ils se sont procuré des poulets et des oies et ont décidé qu'ils ne voulaient plus revenir dans la grande ville. Pendant la même période, Spasi Sohrani commençait la photographie mais, trop timide pour demander aux gens de poser, à chaque visite chez eux elle suppliait donc ses parents de la laisser les photographier. Il a fallu beaucoup de temps avant qu'ils n'acceptent finalement.
Auparavant, elle s’était pas mal entraînée en produisant des images où elle se mettait elle-même en scène.

Spasi Sohrani elle-même.

Au départ, ils n’étaient pas très chauds pour poser en costumes absurdes, parce que " que vont penser les gens ? ", et en plus, ils n'avaient guère le temps : il y a toujours tellement de choses à faire dans une ferme. Finalement, sa mère a été la première à accepter de poser en ange. Elle a ensuite fait toute une série de portraits des gens du voisinage portant des ailes d'ange. Six mois plus tard, son père a accepté aussi, quand il a vu combien elle était heureuse et excitée par les photos.

Toute la famille

Pour Spasi Sohrani, c'est comme un jeu où l'on recrée le passé : ses parents lui faisaient des costumes quand elle était petite, et maintenant elle le fait pour eux. Et c'est toujours comme avant, doux et drôle. Et comme elle les aime beaucoup, elle trouvera toujours le temps d’aller les voir et de prendre de beaux portraits avec eux comme modèles. Et c’est bien cette grande quantité d’amour qui transparaît dans ses images.

Spasi Sohrani: " Lorsque j'ai commencé à vendre les photos, j'ai remis tout l'argent à mes parents. La photographie est donc devenue une source de revenus pour eux. Je suis très fière qu'ils aient fait ce pas de géant et se soient ouverts. "

Elle planifie désormais tout à l’avance, les costumes, les poses, les décors, et, ayant appris à coudre, elle fait tout par elle-même. C’est une photographe très pluridisciplinaire
Spasi Sohrani : " Je suis au Portugal maintenant, et mes parents sont dans un village près de Prague. Mais ils vont bientôt rentrer en Ukraine, alors il sera difficile de leur rendre visite et de travailler avec eux. Lorsque je suis allée les voir en Tchéquie, j'ai pris trois photos pour la série. Cela s'est avéré assez difficile, car trouver les matériaux dans un pays étranger est difficile et coûteux. Pour ces trois images, maman et papa ont peint, collé et assemblé les costumes eux-mêmes. Je voulais qu'ils fassent une pause dans le flux d’informations. Papa s'est fabriqué un tracteur, et maman a créé une fleur. "

Si comme nous, vous tombez sous le charme de la grande entreprise familiale de Tetiana Nikitina aka Spasi Sohrani, alors comme nous, achetez (en prévente) son livre. Il va être très beau.
Spasi Sohrani : " Les amis, mes rêves deviennent réalité, un livre avec mes œuvres va sortir🙈. Blue Horse est une histoire en 100 pages de mon travail. Un livre qui décorera non seulement votre étagère à la maison, mais aussi une salle d'exposition, une galerie, qui également conviendra comme cadeau (je serais très heureuse d'un tel cadeau, pour ma part :)). Vous pourrez le feuilleter lorsque vous serez triste, car il vous remontera le moral, ou lorsque des invités arriveront et que vous n'avez pas d'album avec vos photos. Il est super-chargé de positivité, car toutes les images qu'il contient sont faites avec amour☺️. "

 

Spasi Sohrani : " Si vous me demandez ce que j'aime le plus, prendre des photos ou fabriquer des costumes étranges, je vous répondrais que je ne suis pas une photographe, mais une "Maître des choses étranges". 
Avant la guerre, j'avais un studio, beaucoup de gens qui passaient me voir pour être assistant ou modèle, des clients, des contacts, le savoir où tout trouver… 
Au Portugal, je recommence tout à partir de zéro, avec des avantages, j'ai le savoir et la technique, et tout le reste peut être trouvé. Par exemple, je sais déjà où se vendent les poulets, je sais où se trouve le magasin chinois avec tout ce qu'il y a dans le monde, la peinture normale (ce n’est pas évident) et les tissus😂 (mais c’est très cher). J'ai aussi acheté une machine à coudre pour me sentir comme à la maison🤗.
Tout sera Ukraine🤍. "