Belge d’origine, Yves Decamps a longtemps vécu au Pérou et vit maintenant en Espagne. Bien que ne fréquentant plus la Belgique depuis longtemps, il admet volontiers qu’il y a des restes enfouis en lui de la surréalité cultivée dans la peinture belge depuis les Primitifs flamands. Il y a du Rogier Van der Weyden dans sa qualité d’exécution, tout en représentant une réalité qui aurait salement dérapé. Il est en quelque sorte un sale gosse, dans le genre très classique du portrait peint. Yves Descamps arrive avec une admirable constance à renouveler ses Photomatons peints par une grande simplicité et une hilarante laideur.  

Yves Decamps se définit lui-même ainsi : " Recycleur de déchets sur Internet, ex-photographe, peignant sans être peintre, essayant de vendre des œuvres que personne ne veut accrocher dans son salon. " Pourtant son style lui est tout à fait propre, et contrairement à ce qu’il dit, nous pourrions tout à fait avoir un « Yves Decamps » accroché au mur, juste pour nous assurer notre quotidienne tranche de bonne humeur. Car elles déclenchent du rire, ces gueules cassées. Voyons en quoi Yves Decamps est un " recycleur sur internet ", car il a bien voulu nous raconter son pourquoi et son comment.

Je me prépare à une après-midi sans fautes.

Yves Decamps : " J'ai commencé à étudier la photographie alors que j'étais encore à l'école secondaire. À cette époque, je n'étais pas vraiment intéressé par l'art. C'était plutôt un moyen d'échapper à l'enseignement général. Heureusement, j'ai très rapidement aimé la photographie. J'aimais vraiment passer des heures dans la chambre noire, je la considérais comme un endroit très confortable. Lorsque la photographie numérique a presque complètement pris le dessus, j'ai décidé de me mettre au dessin et à la peinture. J'utilise toujours la photographie dans mon travail mais je ne prends plus de photos, ma pratique photographique se limitant aujourd'hui presque entièrement à l'édition. "

Le bonheur partagé est le meilleur des bonheurs.

Yves Decamps : " Les dernières années de photographie, je n'ai fait que des natures mortes et des paysages. Quand j'ai commencé à dessiner, j'ai ressenti le besoin de faire quelque chose de complètement différent. C'est pourquoi j'ai commencé à dessiner des visages. J'ai vécu pendant 15 ans au Pérou et j'ai toujours aimé les masques folkloriques grotesques utilisés dans les cérémonies andines et dans la culture en général. Cela a eu une grande influence sur mon travail. "

Pensez positivement.

On se demande bien sûr d’où vient son inspiration en laideur, et si des personnes de son entourage ont pu se retrouver défigurés par ce chirurgien esthétique hors de contrôle.
Yves Decamps : " Pour démarrer, parfois j’écoute une chanson et je suis inspiré par une phrase, alors l'image apparaît dans mon imagination. Il est également possible que je joue avec des images Internet dans Photoshop, comme un enfant qui joue avec un puzzle. Les personnes figurant dans mes images n'existent pas, même si parfois on peut reconnaître une personne réelle, mais elle ne sert que de modèle. Je suis d'ailleurs très reconnaissant envers Kim Jong-un. "

Et dans la pratique, ça se joue comment ? 
Yves Decamps : " Je ne suis pas un dessinateur ou un peintre au sens traditionnel du terme. Mes œuvres sont le résultat de l'édition numérique d'images. Une image peut contenir des parties de 15 à 20 images différentes, cela dépend. Outre l'aspect numérique, la façon traditionnelle de travailler est également importante, je prépare mes propres toiles, châssis, etc. J'essaie d'allier tradition et modernité. "

Contre toute attente, ce diable d'Yves Decamps utilise beaucoup de numérique dans son processus pour combiner une grande variété d'images récupérées. En cela il est aussi un " recycleur des internets ", même si son résultat final est analogique dans le médium classique du portrait. Ses tableaux ne sont pas de simples peintures, ce sont des constructions soigneusement éditées où la peinture fonctionne comme un outil et non comme un médium à part entière.

Je me suis transformé en un être purement fonctionnel.

Yves Decamps : " Oui, bien sûr, je veux vous faire rire. Si je n'étais pas un artiste visuel, j'essaierais probablement d'être un comédien de stand-up. J'aime l'art drôle, l'art ne devrait pas être une affaire sérieuse. Je décrirais mon travail comme une " horreur drôle ". Un peu comme les films d'horreur américains des années 80. Les films d'horreur japonais avec les petites filles qui foutent tout en l'air étaient vraiment effrayants. "

Je dois me perdre pour me retrouver.

Est-il possible de remplir son frigo en fabriquant de l’" horreur drôle " a longueur de journée ?
Yves Decamps : " En ce moment, tout va bien, mais c'est un travail très dur pour s'en sortir. Je ne fais pas payer l'exclusivité, je fais payer le temps et le travail que j'y consacre. Je ne travaille pas encore avec une galerie mais j'aimerais le faire parce que le travail en réseau commence à me prendre trop de temps, temps que j'aimerais consacrer à la peinture. "

Je suis en route vers un endroit appelé perfection et je ne suis qu'à quelques kilomètres.
Je suis auto-immune.

Yves Decamps : « Pour moi l'un des meilleurs artistes du moment est John Rogers aka ghoulorama, c'est un putain de génie. "
Absolument d’accord avec lui !