Comment faire un film autour du dieu argent ? En utilisant et détournant ses représentations terrestres tout simplement ! Car les images sur terre de cette divinité que l’on appelle communément "billets de banque" sont une base graphique d’une grande "richesse" qui ne demande qu’à être "exploitée". Voici deux films exploitant cette idée simplement efficace d’utiliser le médium même de l’argent. Pour le premier, cela a demandé à son auteur un peu de recherche chez les numismates et autres collectionneurs pour remonter dans le temps à travers 23 pays et constituer toute cette grande collection visuelle. Puis le réalisateur et animateur Lachlan Turczan a malaxé et animé cette riche matière pour en extraire ce petit bijou. 

Quand on entre avec lui dans le papier des billets, on est très séduit par les divers motifs graphiques animés et détaillés en pleine image, puis dans un deuxième temps surpris et glacé par l'imagerie iconique affichée par ce dieu au fil du temps. Tout ce qui a pu générer cet argent a été représenté sur ses monnaies, jusqu’au pire. Le film développe tout simplement son discours politique par les images que le capital a lui-même imprimées. Nous vous en laissons la surprise dans ce voyage kaléidoscopique à travers cette épaisse liasse de "biffetons". 

Lachlan Turczan : "J'ai numérisé en haute résolution des billets de banque de 23 pays, des années 1800 à nos jours. L'apprentissage automatique (ou deep learning) a été utilisé pour améliorer ces numérisations afin de pouvoir zoomer sur les subtilités des gravures. Grâce à des techniques d'animation, les motifs guillochés envahissent le spectateur dans un déluge de lignes et de géométrie. Des scènes emblématiques de l'histoire sont également montrées : l'âge de l'exploration mène à l'industrialisation, les merveilles du monde sont remplacées par des immeubles de bureaux et les icônes de la liberté contrastent fortement avec les images de l'esclavage. Le projet s'achève par les yeux collectifs de tous les dirigeants du monde qui fixent le public".

C’est l’occasion de mettre en parallèle ce deuxième film antérieur, également en animation de haute qualité, utilisant cette même matière. Il s’agit du captivant court-métrage en stop-motion de Corrie Francis Parks, "Foreign Exchange" réalisé il y a 2 ans et mis en ligne il y a 4 mois après avoir écumé les festivals. À partir d'une collection de billets de banque provenant de plus de 50 pays, la réalisatrice a mélangé les motifs et décors des billets avec du sable pour vous entrainer dans un monde minuscule aux détails brillants. Son propos est néanmoins moins politique et on part plutôt pour un voyage esthétique, exotique et culturel

Corrie Francis Parks : "Entre les couches éblouissantes de monnaie et de sable se trouvent des connexions qui peuvent être exploitées de manière infinie. Chaque personne qui regarde ce film découvrira des associations différentes, filtrées par son expérience du monde et son origine nationale".

Le sable en petite quantité provient lui aussi de plus de 50 pays, tout comme le papier-monnaie.  Dans un grand cross over mondial, les deux matériaux se mélangent dans leurs couches de culture, d'économie et de nature
Corrie Francis Parks : "La fierté interstellaire du Canada se mêle aux arches gothiques de l'église Saint-Sauveur de Prague. Les conquêtes coloniales du Portugal s'entremêlent avec l'économie de marché nostalgique de Singapour. Les animaux caractéristiques de l'Inde se vautrent sous une chute d'eau chinoise".

A travers ces deux films, vous aurez vu une quantité très conséquence de papier monnaie, et au moment où l’argent matériel donne l’impression de disparaitre au profit du sans contact, vous en viendrez peut-être à regretter ces images séduisantes même si elles peuvent être d’une grande obscénité parfois.