Amateur.ices d’illustrations érotiques, on vous invite à embarquer pour un voyage dans l’univers sombre et sulfureux d’Apollonia Saintclair. Ses illustrations à l’encre noire dépeignent, en pointillés et hachures, des scènes érotiques à tendances saphiques et/ou orgiaques souvent teintées de BDSM fantasmagorique. Depuis 2012, Apollonia abreuve son compte Instagram de ses fantasmes (pour le plus grand plaisir de ses 19.5K followers) et multiplie les collaborations avec des noms prestigieux.
En premier lieu, ce qui frappe dans le travail d’Apollonia, c’est son usage de l’encre et du noir et blanc :
Apollonia Saintclair : " Dès mon enfance, j’ai été fascinée par le noir et blanc, que ce soit dans la gravure, la peinture asiatique, la BD ou au cinéma. C’est une esthétique de la soustraction et de l’allusion, l’écho incarné de notre habileté fondamentale à percevoir la lumière et à lui donner un sens, qui laisse à l’imagination des vides à combler. Pour moi, l’application d’encre sur une page vierge va au-delà de la dimension purement formelle, comme si les hachures et l’absolu des plages blanches et noires avaient le pouvoir miraculeux d’évoquer des sensations, des idées et des présences insoupçonnées. "
C’est d’ailleurs cette fascination pour l’encre qui a inspiré à Apollonia le titre de sa collection de livres d’illustrations érotiques en 5 volumes : Ink is my blood (l’encre est mon sang). Cette série rassemble plus de 700 illustrations dessinées entre 2012 et 2020. Le sixième volume est à paraître au printemps 2023.
Cependant, Apollonia ne rejette pas l’utilisation du numérique dans sa méthodologie :
" Lorsque je travaille librement, c’est généralement une impression visuelle ou une situation qui déclenche une idée, qui déjà allie forme et sens : je vois dans mon esprit une image encore vague, mais dont je ressens instinctivement le potentiel narratif. Je fais alors très vite une esquisse, la plus précise possible, au crayon bleu. Si elle continue à me plaire, je la passe immédiatement à l’encre, afin d’en conserver l’élan et fixer le potentiel implicite avant qu’ils ne s’estompent au profit de nouvelles pensées. Je travaille autant sur papier que sur une tablette numérique, en essayant constamment de transposer ce que j’apprends avec un média dans l’autre. Le numérique ayant l’avantage de permettre de soigner les détails et d’être très portable, mais le défaut de manquer de "corps". "
Si Apollonia peut parfois prêter son encrier à des projets qui ne sont pas érotiques (comme pour Vice Canada), c’est bien l’art érotique qui domine l’ensemble de son œuvre :
" Je m’intéresse principalement à l’érotisme, car j’y vois une représentation en creux et très intense de la comédie humaine. L’alcôve est une scène de théâtre où tous les acteurs sont nus, qu’ils soient esclaves ou empereurs.
Mettre des idées sur le papier est d’abord une manière de se parler, de clarifier quelque chose avec soi-même, avant d’avoir quelqu’un avec qui le partager. Lorsque j’ai commencé à dessiner sérieusement, je n'aspirais qu’à être heureuse à travers mon travail. Je voulais juste créer de la beauté, pour ma satisfaction personnelle. C’est au fil des dessins, que j’ai compris que je voulais raconter des histoires, donner vie à mes idées et mes doutes, et que j’ai découvert que ceci déclenchait également quelque chose de profond dans le public. "
Apollonia Saintclair : " Il est évident que durant des millénaires, les femmes n’ont pas eu voix au chapitre, et que c’est une quantité insondable de talent qui a été irréversiblement perdue. Ceci doit changer, pour le bien de l’humanité toute entière. "
On a donc vu Apollonia s’associer à d’autres projets érotiques dirigés par des femmes. Elle a par exemple illustré les couvertures de la collection Point G, éditée par La Musardine, collection qui rassemble uniquement des autrices de littérature érotique féminine.
Mais c’est surtout sa collaboration avec Erika Lust, la célèbre réalisatrice et productrice de films pour adultes féministes, qui a attiré notre attention. C’est effectivement la série de livres d’illustrations érotiques d'Apollonia Ink is my blood qui a servi d’inspiration à l’un des courts métrages pornographiques d’Erika Lust. Pour ce film, qui date de 2018, Apollonia a créé 10 illustrations qui se superposent à merveille aux images de sexe réel.
Apollonia a donc demandé à Erika Lust de préfacer le cinquième volume de sa série Ink is my blood et cette dernière y décrit particulièrement bien ce qu’il y a de si fascinant dans le travail d’Apollonia :
Erika Lust : " Qu’est-ce qui rend le travail d’Apollonia si populaire ? En dehors de l’époustouflante complexité de son travail et de la pureté avec laquelle elle crée son art en cinématique post-noir, d’une manière incroyablement imaginative, il y a le fait qu’elle capte l’essence de ce que la sexualité représente pour chacun.e de nous. Que ce soit une femme nue chevauchant une fusée ; ou qui se fait attraper dans les profondeurs de l’enfer par de multiples mains ; pratiquant le BDSM ou le fétichisme avec une pieuvre ; les mondes exquis dans lesquels elle nous invite, dans chacune de ses œuvres, sont aussi variés que nos fantasmes et désirs intimes. Son univers est fait pour tout le monde. Son absence de parti pris nous place comme spectateur.ice.s de scènes que nous n’aurions pas imaginées comme érotiques ou excitantes et qui pourtant se révèlent l’être. Elle crée délibérément son œuvre à base de "situations ambigües où finalement l’interprétation dépend majoritairement du/de la spectateur.ice". Plutôt que de pousser sa narrativité au fond de nos gorges, comme la pornographie peut parfois le faire de manière assez violente, elle nous ouvre la porte pour que l’on parte à la découverte. "
La biographie d’Apollonia, sur son site internet, cite Léonard de Vinci, Moebius et Manara, parmi ses influences. Mais lorsqu’on lui demande de nous citer un.e artiste en particulier, elle répond :
" La liste est interminable… mais c’est l’occasion de rendre hommage à Kim Jung Gi en particulier, qui vient de mourir à 47 ans, et dont l’humour et le talent tout simplement époustouflant vont nous manquer. "
Si ce voyage érotique dans l’univers d'Apollonia Saintclair vous a émoustillé, n’hésitez pas à faire durer la magie en découvrant le travail sensuel (et coloré cette fois) de Marie Casaÿs.
Et si cette image d'Apollonia illustrant son attirance pour les fruits vous a aussi émoustillé, vous trouverez de quoi vous rassasier pleinement chez cette gourgandine de Stéphanie Sarley. Vous voilà paré.e.s !