Marie Casaÿs : " J’ai toujours dessiné, depuis toute petite. Au collège, je me renseignais déjà sur les études qui touchaient de près ou de loin à l’illustration. Après un BAC Art Appliqués j’ai décidé de me spécialiser en Design Graphique (BTS puis DSAA). […] Je me suis orientée vers l’illustration érotique après mes études et lorsque j’ai commencé à avoir une "patte graphique" stable, en ayant dessiné beaucoup de visages et d’animaux. J’ai eu aussi besoin d’avoir assez confiance en moi et en mon travail pour assumer de me lancer dans cette thématique face à un public dans le jugement, voire potentiellement harceleur. Heureusement j’ai finalement eu beaucoup de soutien ! "

 

Marie Casaÿs compte actuellement sur 41,7K de followers sur Instagram et sur de très jolies collaborations pour se sentir soutenue. On a pu effectivement la voir déposer ses lignes sensuelles et colorées sur les pages des InRockuptibles ou du String Zine (ici) (revue écoféministe intersectionelle), sur des étiquettes de vins vivants ou de bières artisanales, ou encore sur des pochettes de vinyles.

C’est à travers sa série d’illustrations nommée #boulidulundi, dans laquelle elle reproduit graphiquement des clichés photographiques de fesses, que Marie a fondé sa communauté sur Instagram. Communauté qu’elle identifie de la sorte : " J’ai beaucoup de personnes entre 25 et 35 ans qui suivent mon travail (50%) puis 18-24 (25%) et 35-44 (15%) dont environ 64% de femmes et un peu plus de 36% d’hommes (selon Instagram). Il y a des personnes qui sont contentes de voir la représentation de corps différents, aussi bien en termes de physique que de genre et parfois à travers des spécificités plus développées (les règles, les bourrelets, les plis, les poils …). D’autres aiment surtout les thèmes érotiques abordés (les baisers, la masturbation, les caresses, les câlins, la lingerie, le BDSM…) J’ai aussi de temps en temps des personnes qui souhaitent offrir ou s’offrir un dessin personnalisé, inspiré d’une photo d’elle.eux-même, parfois pour se réconcilier avec leur corps, faire plaisir ou se faire plaisir. Je trouve ces commandes très touchantes et importantes pour l’acceptation de soi. "

La précision des traits de Marie et sa technique de remplissage en pointillés sous-entendent une méthodologie toute particulière. En effet, le réalisme de ses illustrations cache un processus de fabrication très méticuleux :
Marie Casaÿs : " Il me faut toujours une base photographique où je reprends au moins une partie de la silhouette photographiée du corps pour la recomposer dans mon dessin. Des fois, je change ou j’ajoute certains détails pour la composition, mais je reste fidèle à la physionomie du corps pour que mon dessin puisse représenter une réalité (d’où le fait que j’essaye d’alterner les poses et type de corps pour essayer d’inclure le plus de corps différents possible).
Une fois ma silhouette dessinée très légèrement avec le crayon de couleur de mon choix (un Polychromos de chez Faber Castell) sur mon papier (180g, et en général un format A5 ou A4), je commence un long processus de crayonné pour "remplir" le corps et, petit à petit, lui donner du volume en travaillant les dégradés avec patience et précision. "

Marie Casaÿs : " Je fais en sorte que le dessin original soit le plus propre possible, pour pouvoir le vendre par la suite. Je scanne régulièrement le dessin (pour la com en général et de temps en temps aussi pour des projets de composition complémentaire). Une fois terminé, je crée un fichier Photoshop avec le dernier scan sur lequel je vais détourer le dessin soigneusement et le préparer pour être soit imprimé soit publié sur les réseaux sociaux. "

Les illustrations de Marie s’inscrivent dans une tendance que l’on voit fleurir sur Instagram ces dernières années : des femmes qui s’approprient une certaine vision féminine du corps et de la sensualité.
Marie Casaÿs : " J’avais vraiment envie de me lancer dans ce thème car la représentation du corps était une sorte de fascination pour moi, sans doute due à l’énorme érotisme et à la sexualisation des corps auquel on fait toutes face depuis toujours (surtout les corps féminins et via un regard masculin : le male gaze ) dans les médias mais aussi la peinture (néo-classicisme, rococo, Renaissance…). Beaucoup de femmes expriment l'envie et le besoin de voir leurs corps enfin représentés différemment et surtout de manière plus inclusive. C'est-à-dire pas uniquement à travers les canons de beauté des magazines, pubs, films. "

Marie Casaÿs : " Au début, je représentais majoritairement des femmes. Une fois que j’ai commencé à être à l’aise dans mon tracé, j’ai commencé à me poser la question de varier plus intensément les types de corps et de genres. Mais je n’étais pas encore très bien informée des droits d’auteurs sur les photos et les modèles. Donc je faisais attention à être sûre de pouvoir m’inspirer de telle ou telle photo/image. J’ai donc souvent dessiné des corps de dos qui laissent le doute sur le fait qu’il s’agisse d’un "homme" ou d’une "femme". Ce qui était très intéressant d’ailleurs c’était de voir que le public voulait absolument savoir si c’était un homme ou une femme. "

Marie Casaÿs : " J’ai aussi réalisé que mon public ne réagissait pas de la même manière en fonction du corps dessiné (et l’algorithme Instagram n’aide pas non plus…) Lorsque je dessine des fesses qui semblent féminines, j’ai 4 fois plus de likes que lorsque je dessine un corps plutôt masculin. C’est sûrement dû au fait que les gens ne sont pas habitués à voir un corps masculin érotisé, sexualisé sans être associé à la culture gay. J’essaye donc régulièrement de dessiner des corps plus masculins ou non genrés, pour petit à petit montrer que c’est ok, normal, sain et séduisant d’avoir un corps masculin érotisé, quel que soit son orientation sexuelle. "
 

Au sein de cette vague érotique féminine que nous offre Instagram, on a trouvé que Marie se distinguait tout particulièrement grâce à son utilisation de la couleur. Il y a à la fois de la joie, de la fraîcheur et de la chaleur dans ces tons presque enfantins que Marie affectionne particulièrement.
Marie Casaÿs : " Alors que je dessinais uniquement en noir et blanc avant de me lancer dans l’érotisme, le choix de soudainement utiliser de la couleur m'a permis d’avoir un impact plus fort dans les messages. Puis je me suis rendue compte que la couleur me permettait aussi d’avoir un ton plus léger, plus fun et d'apporter une nouvelle dimension poétique. Ça aide à voir avec douceur, mais aussi avec puissance, qu’avec n’importe quel corps il y a du beau, du plaisant, du chaleureux, de la compassion, de l’humanité. "
 

Lorsqu’on demande à Marie de nous recommander un.e artiste en particulier, son cœur balance…
Marie Casaÿs : " Impossible pour moi de n’en choisir qu’un.e, haha ! Alors j’ai fait une petite sélection rapide d’illustrateur.ice.s et peintres, même s’il y en a plein d’autres que j’adore profondément :
(liens dans les images)

Bebhinn Eilish
Inès Longevial
Apollonia Saintclair
Solene Bonamour
Mazahir aka Girth of Venus

Nous recommandons à Marie le travail de Sara Luz, la talentueuse illustratrice de Valencia dont nous parlions récemment. Aucun doute que les deux illustratrices trouveraient des similitudes intéressantes dans leur travail de la couleur et de la sensualité !