réel déjeté

Les réalisations du photographe Roope rAInisto (en respectant sa façon d’écrire son nom…) se démarquent du flot d’images générées par des intelligences artificielles, souvent des expérimentations hétéroclites centrées uniquement sur les nouvelles possibilités de l’IA produisant une matière fortement chargée en surréalisme ou en fantastique. Et surtout générant une esthétique que l’on reconnait maintenant au premier coup d’œil comme provenant d’une IA (comme VQGAN+CLIP dont on vous a expliqué le principe ici). 
Chez lui, c’est bien différent puisqu'il fonctionne comme un photographe : il fait lui-même les prises de vue puis il " développe " ensuite ses images dans un bain d’IA, jusqu’à ce qu'il obtienne le résultat voulu. Ses images ainsi augmentées sont particulières et troublantes parce qu’il dose son traitement sans se laisser déborder par l’effet, et il reste toujours beaucoup du réel de départ. Un réel sérieusement déjeté cependant.

Nous avions découvert la réalité tordue par l’IA de Roope rAInisto dans ses photos de raves party, puis ses portraits de " freaks " monstrueux et drôles (appelés " Bucolics "), et n’avons cessé d’être interpellé par ces images étranges dans notre fil Instagram depuis un an environ. Il fait partie des premiers artistes, photographes et réalisateurs à utiliser l’IA comme un outil de plus dans leur équipement et non pas l’unique générateur de leurs images. Particulièrement pour ses images de raves, il a pu générer des visions crédibles de réalité altérée : l’IA a agi comme l’aurait fait une substance fortement psychotrope sur nos cerveaux. Roope rAInisto ayant l’air de ne pas vouloir s’arrêter en si bon chemin, nous avons eu envie de savoir comment il était tombé dans l’IA. 
Alors on lui a demandé.

Roope rAInisto : " Essayer de capturer le mouvement et l'émotion dans les photos en général est un grand défi. Je pense que ces photos de raves sont un exemple réussi de travaux où les "inconvénients" apparents des images générées par l'IA - manque de réalisme, nature éventuellement abstraite - sont transformés en avantage. Il me serait très difficile de créer des images avec un tel niveau d'excitation et de vibration uniquement avec mon appareil photo. Pour moi, l'IA fonctionne ici mieux que toute autre méthode à laquelle je peux penser. "

Roope rAInisto : " Je fais de la photographie depuis plus de 25 ans et de la conception numérique depuis à peu près la même période. Je suis également écrivain, j'ai écrit des poèmes lorsque j'étais adolescent et je me concentre aujourd'hui sur l'écriture de scénarios. Je m'intéresse beaucoup à la narration - quand on dit "une image vaut mille mots", c'est vrai. Pas en termes de description de l'image, mais en termes de pensées, d'histoires, d'émotions qu'une seule image peut susciter dans votre esprit ".

Roope rAInisto : " Je me suis mis au traitement par IA depuis août dernier, un an maintenant (2021). Pour moi - comme pour beaucoup - la facilité et la puissance soudaine de pouvoir accéder à VQGAN+CLIP via les notebooks de Colab (via Google Colab) a rendu l'expérimentation et l'apprentissage beaucoup plus réalisables. "

Roope rAInisto : " J'utilise une grande variété de méthodes d'IA. Je les exécute à la fois dans le nuage (via Google Colab) et localement, j'ai à la maison deux PC haut de gamme dédiés pour une utilisation non perturbée et autonome. Je passe une partie de mon temps à essayer les nouveaux outils disponibles et une autre partie à travailler sur des projets avec des outils que je connais déjà. La vitesse de progression est très rapide. "
C’est vrai que la vitesse de progression de Roope est plutôt épatante, il en résulte déjà, en plus des images fixes, de petits movies expérimentaux tout à fait étonnants.

Roope rAInisto : " Je suis en effet un photographe. D'une certaine manière, je considère certains des outils d'IA comme un appareil photo virtuel. Il y a pour moi beaucoup de similitudes. Tous deux "prennent une photo" très rapidement et facilement, juste en appuyant sur un bouton. C’est à la portée de tout le monde. " 

Roope rAInisto : " Comme pour la photographie, la compétence et l'expérience proviennent de ce qui se passe avant et après que vous ayez déclenché l'obturateur. Que photographiez-vous ? Comment cadrez-vous, réglez, configurez, essayez, expérimentez ? Quelles photos choisissez-vous pour les utiliser, les éditer, les publier ? Tous les appareils photo sont capables de prendre de bonnes photos, tout comme tous les outils d'IA sont capables de créer du "bon art". "

Roope rAInisto : " Pour cette série " bucolic " une de mes sources d'inspiration artistique est Lars von Trier, en particulier sa vision de l'Amérique (la trilogie America). On peut avoir et exprimer une vision subjective très forte de quelque chose. Être subjectif, c'est bien ! Ces images ne sont "pas réelles", à plus d'un titre, mais cela ne signifie pas que les émotions qu'elles sont capables (espérons-le) de créer dans l'esprit du spectateur ne seraient pas tout aussi réelles que celles créées par de vraies photographies, prises sur les lieux-mêmes des sujets. Encore une fois, cette méthode augmentée correspond le mieux aux idées que j'essaie d'explorer avec ces images. "

Roope rAInisto : " Je m’inspire vraiment de tout. J'ai entraîné mon esprit à ne pas se censurer. Les mauvaises idées mènent souvent à d'autres mauvaises idées qui mènent ensuite à des idées intéressantes. Il est très important de ne pas étouffer ces voix faibles ".

Roope rAInisto : " Je voudrais partager le travail de Rémi Molettee. Je suis intéressé par tout ce qu’il fait, il a une merveilleuse combinaison de style personnel, d'élégance et d'expertise technique. 
Rémi est un " cinéaste français qui aime les nouvelles expériences basées sur l'intelligence artificielle. " Un incontournable également !