Plaisir en 3D

Klimax fait partie de ces objets visuels non identifiés qui s’amusent à vous transporter d’un univers à l’autre en vous laissant un sentiment de perdition enivrant. Dès la première image, le titre Klimax vous oriente vers Youporn alors que Barbie, le personnage principal, vous embarque vers Benshi (plateforme de streaming pour tous petits). Ne vous fiez pas aux couleurs flashys, aux formes ludiques et aux textures enfantines de cette vidéo, on parle bien ici d’orgasme féminin, voire même d’éjaculation féminine.

Et lorsqu’on fouille un peu derrière le profil de la réalisatrice Bea Höller, on découvre un ensemble de vidéos d’animation qui parlent de sexualité avec un humour et un talent parfaitement séduisant. On a bien évidemment eu envie de lui demander plus de détails sur son processus de création.
Bea, qui vécut longtemps auparavant à la campagne (et s’était même auto-titrée Reine des poulets), considère qu’elle est arrivée à l’animation un peu par hasard : 
Bea Höller : " J’ai commencé avec le graphisme, qui m’a conduit à la conception de personnages. J’ai ensuite étudié à l’école d’animation de Hambourg. Cette école n’existe malheureusement plus, mais c’était une expérience incroyable qui m’a appris tout ce dont j’avais besoin pour commencer à créer mes propres films. J’adore l’animation parce qu’elle nous permet de créer des images qui ne sont tout simplement pas possibles dans le monde réel. Cependant, je ne me considère pas comme animatrice à temps plein puisque je m’en tiens surtout à animer les animatiques et à faire les overpaint des projets que je réalise. "

Son premier film, Dark Chocolate - réalisé dans le cadre de la Filmacademy de Baden-Wurtemberg où elle a continué à étudier l’animation - dépeint avec humour et subtilité un éventail de préférences sexuelles diverses et variées… 
Bea Höller : " Avec Dark Chocolate j’ai exploré mes propres limites. J’ai fait pas mal de recherches sur les différentes pratiques sexuelles existantes. C’était souvent très amusant mais aussi parfois assez dérangeant. C’est ce qui m’a donné l’idée de faire un film qui permettrait à tout le monde de situer où sont ses propres limites. " 

" Les personnages de Dark Chocolate sont venus en premier. Puis j’ai sélectionné les plus importants parmi une trentaine, que j'ai disposés en fonction de mes préférences et assemblés dans une animatique. La métaphore du chocolat était claire pour moi dès le départ car je voulais que ce soit un élément qui parle à tout le monde. Et grâce à Christopher Schmier, un ami et collègue très talentueux, le texte est devenu ce qu’il est maintenant. " 

Même si Bea déclare ne pas savoir très bien cuisiner, il semble qu’elle apprécie beaucoup la métaphore culinaire avec le sexe. Son deuxième film, Kinky Kitchen, co-réalisé avec ​​Steffen Oberle, est une série de trois faux trailers hyper-courts qui nous présentent des personnages complètement débauchés, inspirés des objets qui peuplent les placards de la cuisine de nos grand-mères. 
Bea Höller : " J’aime jouer avec des idées préconçues. Tout comme pour Dark Chocolate, nous voulions utiliser un élément que tout le monde connaît pour y situer d’autres choses auxquelles personne ne s’attend. Dans Kinky Kitchen vous entendez un gémissement et vous supposez immédiatement que deux personnes sont en train d’avoir des relations sexuelles. Puis la caméra passe, le spectateur est surpris, mais la caméra ne s’arrête pas et continue comme si de rien n’était. Ça renforce la trivialité. Mon Dieu, les gens pourraient avoir des relations sexuelles ici ? Mais, en réalité, on s’en fout… " 

Détourner les objets du quotidien, jouer avec les idées préconçues, perdre les spectateurs… Ce sont les jeux auxquels Bea aime s’adonner avec ses spectateurs et cela fait partie des raisons pour lesquelles elle a choisi Barbie comme personnage principal de Klimax.
Bea Höller : " Barbie est notre protagoniste parce qu’elle représente l’inverse de ce qui est important pour nous. À savoir, une approche naturelle et sans contrainte de la sexualité et du désir féminins. Barbie, avec ses yeux bleus, ses cheveux blonds artificiels et sa taille ultra-mince, veut faire croire aux petites filles qu’elles auront tout ce qu’elles veulent si elles lui ressemblent. Or Barbie représente la quintessence de la raideur sexuelle au bras de Ken, son petit ami asexué. Barbie ne devrait plus être un modèle pour les petites filles, parce que la confiance en soi ne peut pas venir d’une poupée anormalement maigre. "

Le message de Klimax semble en effet situer la confiance en soi dans une activité quelque peu… différente. Bea lie plutôt cette confiance à la masturbation féminine. 

Bea Höller : " Ce sujet est très important pour moi car je me suis rendue compte qu’il y a beaucoup de femmes autour de moi qui ne se sont jamais touchées et qui ne se trouvent pas belles. Ça m’a rendue triste parce que je ne comprends pas comment ces merveilleuses femmes peuvent être si malheureuses. Comme je pense qu’il y a beaucoup de femmes dans le monde qui vivent la même chose, j’ai voulu créer un court métrage qui montrerait des parties du corps différentes pour créer un monde uni et beau qui ne pourrait exister que grâce à la diversité. J’ai d'abord essayé de décrire des images abstraites que j’avais en tête. Puis j’ai tout balancé sur une gigantesque toile et j’ai tenté de l’expliquer. Au début personne ne pouvait vraiment visualiser parce qu’il n’y avait pas d’exemples existants. Néanmoins, certains collègues ont cru en l’idée et ont rejoint l’équipe petit à petit. "

On l’aura compris donc, la sexualité est au cœur de chacune des œuvres de Bea…
Bea Höller : " Il y a plusieurs raisons à cela : premièrement, parce que c’est un sujet très amusant à traiter pour moi, et deuxièmement, parce que je pense que c’est une thématique très importante. La plupart d’entre nous sont sexuellement actifs et pourtant beaucoup ont des problèmes avec leur sexualité. Ce n’est pas un sujet facile car d’une part c’est le sujet le plus intime de tous, mais d’autre part il est déclaré tabou par la société. Les films d’animation me donnent l’occasion de traiter différents thèmes de la sexualité de manière abstraite. Chacun de mes films déclenche des réactions différentes et il est intéressant de voir ce qui est accepté et ce qui ne l’est pas. Bien sûr, il y a aussi des inconvénients à traiter de sujets qui peuvent déclencher de la haine ou du dégoût chez certains. Il faut savoir se préparer pour les discussions vives et le rejet. "

Une chose est sûre, le rejet ne viendra certainement pas de nous, bien au contraire… Chez Brainto, on aime que les femmes parlent de sexualité ! La dessinatrice Bebhinn Eilish, par exemple, le fait particulièrement sans tabous et on vous la recommande chaudement.