L’anglaise Rosie Gibbens est une artiste purement contemporaine bien dans son époque à la croisée de plusieurs disciplines. Elle mélange performance, comédie, sculpture, vidéo et c’est ça qui est drôlement bien. Et en plus, elle est drôlement drôle. Tout en ayant un discours sous-jacent fort et affirmé sur la politique sexuelle, la consommation, et particulièrement le corps féminin utilisé comme objet incitant à l’achat. Un discours bien perceptible malgré son introduction/boutade sur son compte Instagram : "Qu'est-ce qu'on obtient si on croise un artiste de performance avec un comédien ? Une blague que personne ne comprend." 
Eh bien, nous, on la comprend bien, et avec plaisir

Partager cette (petite) série de micro-performances tellement simples et amusantes générées par les conditions de restriction de mouvement est une bonne occasion de jeter un coup d’œil sur la variété de la proposition de Rosie. Cela va de l’installation-sculpture faite de bric et de broc très cohérente à des performances live ou vidéo l’impliquant elle-même avec moult objets fabriqués.

Le tout reste uni par un style qui lui est totalement propre car elle semble naviguer de façon complètement fluide entre les différentes disciplines. 

Rosie Gibbens nous explique : "Je veux faire des œuvres d'art qui magnifient les éléments de la vie contemporaine qui me semblent absurdes. J'essaie de regarder le monde comme si j'étais un visiteur étranger, tentant de se conformer au comportement attendu des citoyens, mais n'y parvenant pas tout à fait. Je démêle les choses qui résonnent étrangement pour cet anthropologue surnaturel et je tire des conclusions illogiques. Ces observations sont souvent axées sur la performativité du genre, la politique sexuelle, la culture consumériste et leurs chevauchements". 

Rosie : "Cela se manifeste de manière récurrente par le détournement d'objets et de vêtements dans mes performances et mes vidéos. Ils sont souvent réaffectés à des "réactions en chaîne" qui accomplissent des tâches simples de manière excessivement compliquée
Beaucoup de ces interactions ont également des connotations sexuelles et j'épuise souvent les qualités euphémiques de mes objets-collaborateurs. Intéressée par la manière dont les corps féminins (jeunes et cis) sont souvent le paysage sur lequel se construit le désir de marchandises, j'aborde mon travail comme des démonstrations de produits ou des publicités perverses, prenant l'expression " le sexe vend " trop littéralement".

Rosie : "Je réalise également des sculptures molles qui se transforment en accessoires de performance. Beaucoup d'entre elles sont des versions en tissu agrandies de parties du corps, en particulier les lèvres, les langues et les orifices/trous du corps. Je les ai choisies pour leur nature sexualisée et j'espère que mes versions démesurées faussent les possibilités d'objectivation. L'ironie de transformer littéralement les corps en objets et vice versa ne m'échappe pas ! Ces sculptures m'aident à étendre mes extrémités, à brouiller les parties de mon corps et à me faire pousser des membres supplémentaires". 

"Mes performances et mes vidéos sont parfois associées à des textes appropriés, sous forme de voix off ou de mots écrits. Par exemple, je me suis inspirée de publicités pour des parfums, de discussions sur Reddit, de magazines féminins et de documentaires sur la nature. Ces textes sont contrastés avec des images visuelles incongrues qui tentent de saper l'objectif ou la narration initiale du texte".

Sa propre implication physique dans son travail, son humour volontaire gauche et bricolé, la rend très attachante et identifiable. On a l’agréable sensation de retrouver une bonne copine. Elle est une sorte de "comique" de l’art contemporain qui pose les bonnes questions. 
Et puis elle est au début de son intéressant parcours (diplomée en 2018 du Royal College of Art), alors on va la suivre, car elle est de bonne compagnie !