Qu’elle traite de thématiques sociales, d’événements historiques ou d’écologie, le style monochrome de Paola se reconnaît facilement à ses portraits de femmes, entourées d’éléments naturels (faune et flore) ou culturels (cosmogonies préhispaniques, motifs traditionnels). S’inspirant toujours de l’environnement présent autour de ses travaux, Paola Delfín décrit son univers artistique ainsi :
" C’est un monde qui change en même temps que moi, où j’essaie de connecter mon univers personnel à l’univers des personnes que je rencontre et aux lieux que je découvre. J’aime toujours avoir une première interaction avec l’environnement dans lequel je vais travailler : connaître les gens, leurs histoires et ce qu’ils aimeraient raconter. Puis j’essaye de raconter les histoires qui m’inspirent et me paraissent importantes. Mon travail me permet de faire entendre ces histoires à travers mes mains. "

'Suku" - Tampere- Finlande.

Si les figures féminines sont très présentes dans son travail, Paola tend à ne pas se définir comme "artiste femme" pour autant. 

Paola Delfín : " J’essaie de ne pas définir ma place dans mon travail par le fait d’être une femme. Mais je suis consciente qu’il y a encore des préjugés sur ce sujet, tant de la part des organisations que du public. Ce qui m’intéresse en tant qu’artiste, c’est de faire entendre la voix qui vient vraiment de mon travail, peu importe mon genre. "

Honda, Tolima - Colombie.

Même si Paola a bien étudié la peinture et le graphisme, elle a cependant dû apprendre le street-art de manière autodidacte car elle y a été amenée au départ de manière complètement fortuite.
Paola Delfín : " J’ai commencé fin 2012, lorsque j’ai été invitée par le Musée du Vieux Jouet Mexicain à participer à un projet incluant la réalisation d’une peinture murale. C’est eux qui m’ont donné un espace pour faire ma première peinture murale. "

"Esperanza" / “آمل" - Martil, Maroc.

Depuis, Paola a œuvré à développer sa propre technique : " Je travaille à travers des références photographiques que je vais constituer au fur et à mesure de mes rencontres avec des personnages ou des lieux. J’utilise ces références pour créer une composition qui s’adapte à l’espace sur lequel je vais intervenir. Normalement, je peins au pinceau et à la peinture acrylique, mais selon la surface, il y a des moments où je dois adapter ma technique à d’autres peintures. "

C’est le cas par exemple pour l'œuvre la plus gigantesque que Paola ait réalisée jusqu'ici. Pour le projet 17 muros (17 murs), Paola a été invitée à réaliser cette immense fresque sur un immeuble de 21 étages et 70 mètres de haut, utilisant une peinture écologique à effet catalytique qui aide à purifier l’air

Paola participe ainsi, de manière écologique et colossale, à une certaine tradition de l’art public au Mexique.
Paola Delfín : " L’histoire de l’art public est assez importante au Mexique. Le muralisme en particulier a toujours été présent dans notre culture. Cependant, je pense qu’au Mexique, il faudrait un soutien plus constant, non seulement à l’art mural mais aussi à la culture en général. Malheureusement la culture est souvent mise de côté, alors qu’elle joue un rôle fondamental dans le développement d’une société. Il faudrait que le gouvernement et les organisations donnent à la culture le rôle qu’elle mérite en offrant de meilleures conditions de travail et en lui accordant une place privilégiée dans la société. "

On remarque également l’importance du lien que Paola entretient avec son pays à travers les références à la cosmogonie mexicaine. Une des œuvres les plus significatives qu’elle ait produite est cette fresque monumentale (ci-dessus) réalisée pour le Musée des Sciences et Technologies de Querétaro. Elle représente Pitao Cocijo, le dieu zapotèque de la pluie.
Paola Delfín : " J’essaie de varier mon travail dans les histoires que je partage. En ce qui concerne ma culture, il est clair que la représentation de la cosmogonie pré-hispanique est et sera toujours importante. Parfois, il me semble approprié d’inclure ces éléments qui ont tant de force et de signification. Mais il faut qu’il y ait une connexion et une pertinence avec le concept que je vais tracer. "

Chefchaouen - Maroc.

Naturellement, c’est un artiste mexicain que Paola mentionne comme source d’inspiration principale.
Paola Delfín : " Il y a énormément d’artistes qui m’inspirent. Je peux en citer quelques-uns qui sont contemporains : Curiot, Gleo, Milu Correch, Decertor. Mais mon muraliste préféré se trouve être Jorge Gonzales Camarena qui n’est plus des nôtres mais nous laisse une œuvre incroyable. "

Jorge Gonzales Camarena - Liberation - Palais des Beaux-arts de Mexico.
Curiot.
Gleo.
Milu Correch.
Decertor.

Quant à nous, on ne peut s’empêcher de fantasmer sur une collaboration entre Paola Delfín et Ella & Pitr, un couple de street-artistes également aguerri aux formats colossaux.

“Fortaleza” Wertcher, Belgique.