Ce qui fait l’attrait des peintures du slovène de Maribor Matija Bobičić, c’est cette puissante efficacité venant tout droit de l’enfance. On a une impression de dessins qui obtiendraient une bonne note en primaire mais dont on sent qu’ils sont conçus par un adulte, avec des références d’adulte.  Les productions éclatantes d’une grande personne qui a su rester enfant. 

Prématuré en art, Matija Bobičić  de Maribor raconte que, comme tout enfant respectable, il aimait jouer avec des petites voitures et des dinosaures, mais très rapidement il s’est mis à les dessiner, et à s’entrainer à reproduire tout ce qui le passionnait. Tous les personnages de dessins animés et de films qui le fascinaient y sont passés. De plus, au lieu d’aller acheter un jouet à l’effigie d’un personnage de dessin animé, il les dessinait lui-même sur du carton, les découpait et le tour était joué. Une sérieuse formation accélérée

Bien que ses professeurs d'art à l'école n'approuvaient ses talents lorsqu'il s'agit de dessiner les dinosaures de Jurassic Park ou He-man, et lui conseillaient de s'en tenir à Martin Krpan ou Pinochio, des personnages du folklore, têtu il ne s’est jamais découragé. Puis il a pris des cours de peinture, a même raflé quelques prix, et peignait déjà sur toile avant l'école secondaire. Un sacré précoce.

Puis plus tard Matija Bobičić a obtenu un diplôme d'enseignement artistique à Maribor et a commencé à travailler sérieusement. Matija Bobičić : "En tant que professeur d'éducation artistique, j'étais fasciné par les œuvres que les élèves réalisaient à l'école primaire, par leur façon de s'exprimer et par la liberté qu'ils avaient lorsqu'ils faisaient de l'art ; je voulais vraiment faire quelque chose comme ça moi-même." 
Sous influence d’enfants il a développé une esthétique issue de "célébrations morbidement joyeuses des jours d'enfance à jamais disparus". 
Des peintures qui sont à la fois stupides mais intéressantes, maladroites mais imaginatives et pleines de conflits intérieurs d’adulte.

Avec la merveilleuse peinture acrylique comme choix de base (parce qu'elle sèche rapidement), Matija peint rapidement et avec une forte intention de départ. Il lui arrive souvent de démarrer le travail avec une idée en tête, pour ensuite changer complètement de sujet. Une méthodologie spontanée, volontaire et totalement libre, avec une large place pour l’instinct sans jamais d’esquisse prédéterminée. "Je sais en quelque sorte quand arrêter de travailler et donner un titre à l'œuvre en fonction de ce que je vois à la fin". 

Comme un gamin, Matija a su garder ce processus plus ludique et improvisé que très réfléchi. Ce qui lui préserve sa force brute et qui n’est pas du tout aussi simple qu’il n’y parait.

De plus, ce que l’on ne perçoit pas sur les images numériques, Matija est aussi un fervent défenseur de la texture épaisse et de la force des couleurs, ce qui signifie qu'une pièce a souvent reçu un paquet de couches de peinture avant qu'il ne s’attaque au vrai dessin lui-même. 

Il a peint des créatures et des monstres avec des sacs pour les courses ces deux dernières années. Toujours largement inspiré par les films de science-fiction et autres dessins animés, sa série récente intitulée Corona Shoppers (titre provisoire), est un miroir de la crise mondiale actuelle, avec des sacs de courses Lidl et Décathlon typiquement urbains tenus par des personnages fantastiques et dystopiques.

"Au début de la pandémie, les gens se battaient pour des marchandises dans les centres commerciaux, un peu comme les personnages de science-fiction des années 80 qui se battaient toujours pour une ressource essentielle". Ces monstres de fiction sans empathie ni moralité, qu'il compare à ceux qui ont répondu à la pandémie dans un égoïsme total et qui ont complètement oublié la solidarité. (la panique du papier toilette par exemple).

Absorbant, comme le ferait un enfant, le monde actuel qui évolue rapidement, Matija le restitue comme une sorte d'apocalypse, et ses peintures en sont la vision. "Les gens ont commencé à se regrouper en tribus avec leurs propres points de vue sur le monde, et certains sont devenus très hostiles envers les autres - on se croirait dans un film".
Un sujet de prédilection puissant pour le grand môme Matija.

Ce grand enfant a parfaitement réussi car il expose un peu partout dans le monde tout en étant professeur d'éducation artistique. Il a fait rien qu'en 2021, sa deuxième exposition personnelle à New York au Marvin Gardens, intitulée "Sneakerheads", et des expositions solo ou collectives à Edinbourg, Miami, Taiwan, sans oublier Maribor sa ville natale.