Si le terme “femme sauvage” ne vous dit rien, jetez donc un œil au travail de Monika Kozub pour mieux comprendre. Dans son Berlin Boudoir, les femmes dansent dans les bois, se baignent dans les rivières et fusionnent avec le monde végétal. Véritables sorcières modernes, elles nous entraînent dans leurs rondes où le corps est célébré dans son état le plus naturel et où le sang des règles est sublimé.
Monika Kozub : " Ma talentueuse amie Chloé Banks a utilisé le terme décadence féministe pour décrire mon travail et c’est devenu le terme que je préfère. Mon travail est sensuel et délicat mais aussi audacieux et provocateur. Je cherche à enquêter sur la relation entre le corps, la nature et notre sexualité, tout en questionnant les stigmates et les tabous. Je veux ramener la beauté naturelle au premier plan et m’éloigner du glamour qui a pris le dessus dans les médias autour de nous. Il y a une grosse différence entre l’aspect cru et honnête de la beauté au naturel et la sensation artificielle et policée qui ressort du glamour. C’est bien pour cela que le glamour ne m’intéresse pas. " 

Si aujourd’hui l’univers visuel de Berlin Boudoir semble parfaitement maîtrisé, l’aventure a pourtant démarré presque par accident : 
Monika Kozub : " En 2017, alors que je vivais à Amsterdam, j’ai commencé à proposer des séances photos aux touristes en tant qu’expérience Airbnb. Puis j’ai déménagé à Berlin et j’ai continué à proposer la même chose. Environ 90% de mes clients étaient des femmes qui venaient des quatre coins du monde, et presque 100% d’entre elles démarraient la conversation avec les mêmes excuses : "J’ai toujours mauvaise mine sur les photos", "Mes cheveux sont horribles aujourd’hui", "Si seulement je perdais 5 kilos"… " 

Monika Kozub : " J’ai vu des femmes magnifiques, belles à leur manière, qui semblaient insatisfaites elles-mêmes. Cela nous a amenées à discuter de la façon dont le corps des femmes est représenté dans les médias et de la toxicité qui se dégage de cette culture. En tant que photographe, j’ai senti que je pouvais faire quelque chose à ce sujet : défier les normes représentatives et montrer la vraie beauté au naturel. C’est comme ça qu’est né Berlin Boudoir en 2019. "

Monika Kozub elle-même

Au fil des ans, Berlin Boudoir s’est développé et s’est étendu à d’autres médias. Aujourd’hui Monika a son propre podcast intitulé Boudoir Talk dans lequel elle interviewe des femmes sur leur vie et leur sexualité. Elle dessine des affiches illustrées pour des manifestations féministes. Elle organise également des ateliers et des évènements. Et l’année dernière, elle a interprété un morceau écrit par Daniel S. Roden intitulé PERIOD qui célèbre les règles et dont elle a réalisé le vidéoclip.

Le travail de Monika s’étend à plusieurs disciplines, montrant bien l’envergure qu’elle donne à sa mission.
Monika Kozub : " Il y a tellement de travail que nous devons faire collectivement pour changer la culture toxique qui entoure notre corps et notre sexualité ! Et chaque fois que je reçois un message de quelqu’un qui me dit que mon travail l’a aidé.e dans cette bataille, j’ai l’impression que je me rapproche de mon but et cela me donne envie de continuer. "

Monika a trouvé une façon de transmettre un sentiment de bien-être à travers ses photos. Cela vient sans aucun doute des postures désinvoltes et envoûtantes de ses modèles. C’est là que réside son talent : sa capacité à sublimer ses sujets.
Monika Kozub : " Je travaille habituellement en lumière naturelle car je photographie principalement des modèles qui ne sont pas habitué.e.s à être devant la caméra. Or l’ajout de lumières en studio ne ferait que les stresser et les incommoder. Je garde toujours à l’esprit que la séance photo est censée être une bonne expérience, un moment qui permette à la personne photographiée de se rapprocher de son corps, de l’apprécier et de le caresser. Les photographies doivent profiter de cette sensation première, car je crois que si vous vous sentez bien, cela se verra. "

C’est aussi pour son rapport à ses modèles que Monika nous recommande le travail de la grande photographe Susan Meiselas
Monika Kozub : " Il y a beaucoup d’artistes qui m’inspirent, mais je voudrais mentionner Susan Meiselas. Elle s’assure toujours que le déséquilibre du pouvoir en photographie (toujours en faveur de la personne qui tient la caméra) soit le plus faible possible. Elle prend toujours soin à ce que la personne photographiée ne devienne pas objet mais reste bien sujet, afin que son nom et son identité soit respectés selon ses propres termes. "

Susan Meislais - Série carnival Strippers - Shortie in the Bally, Barton, Vermont, 1974

Quant à nous, nous vous proposons de poursuivre la ronde des sorcières modernes avec les photographies de Sandra Lazzarini, dont le travail sur le corps féminin flirte avec celui de Monika