Nikita Diakur est un réalisateur qui utilise parfois de l’image réelle en arrière-plan, mais surtout de l’image de synthèse. Son terrain de jeu favori est la 3D qui déconne (de façon parfaitement voulue) et qui n’est pas vraiment finie. En préambule, autant vous dire qu’on aime tout ce qu’a pu produire jusqu'ici ce diable de réalisateur d’origine russe vivant en Allemagne. Et, pour autant que l’on puisse en deviner le sujet et sa réalisation, ce " Backflip " en approche risque fort de vous/nous plaire grandement.
Nikita Diakur : " Tenter un backflip n'est pas vraiment sûr. Vous pouvez vous casser le cou, ou atterrir sur la tête, ou atterrir mal sur vos poignets. J'ai donc laissé mon avatar apprendre le truc. Il s'entraîne sur un processeur à 6 cœurs avec l'aide de l'apprentissage automatique ". 

Comme vous pouvez le constater, tout est entièrement fabriqué chez lui et avec lui-même, avec succès malgré un avatar peu coopératif, prodigieusement abruti et dur à contrôler. Voici ci-dessous un autre petit film, qui semble préparatoire à " Backflip ", où son avatar, quelque peu désespérant, est encore en plein entrainement.

Chez Nikita Diakur, les volumes sont anguleux, les mouvements sont gauches, les personnages se déplacent comme des zombies qui apprendraient à marcher. Et, de ce monde agité qui semble en construction - avec des volumes en filaire qui s’entrechoquent - se dégage une vraie esthétique. Sa signature est aussi dans les couleurs : sa palette à lui est faite de bleus/roses/violets qui explosent tout particulièrement dans son magnifique " Ugly ". L'adjectif Ugly (affreux, laid, moche) revient souvent dans ses titres, comme pour ne pas se prendre trop au sérieux. 

Même s’il contrôle (plus ou moins) tout, Nikita Diakur défend l’idée de l’aléatoire, de l’impromptu dans son processus, il laisse venir à lui l’incontrôlé. Ou du moins il veut en donner l’impression. 
Comme dans ce réjouissant film - par lequel nous l'avions découvert il y a 6 ans - sur un parking où tout part allègrement en sucette. 

Pour patienter avant la sortie de " Backflip " et parce que l’été c’est un peu la fête, (re)voyons son délicieux " Fest ", le corps agité de frissons de plaisir. Et pour comprendre son fonctionnement, écoutons ce que Nikita Diakur avait à en dire lors de sa projection au Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand, en 2019.

 Nikita Diakur : " Ce film parle de liberté, de lâcher prise. Il est inspiré par deux clips Internet. L'un d'eux est Thunderdome 97, l'autre est une vidéo virale de saut à l'élastique en Russie. Il s'agit de gens qui se jettent d'un immeuble sur une corde, une corde qu'ils ont eux-mêmes fabriquée. Et c'est un peu, je ne sais pas, c'est un peu fou, mais c'est aussi un peu excitant, libérateur. Je viens de Russie et peut-être que ça m'a touché à ce niveau. Et tous deux parlent de liberté et sont un peu fous et étranges. ". 
(Vous pourrez constater que la disposition des immeubles est la même dans son film)

Nikita Diakur : " C'est comme des marionnettes dans un espace numérique. On les contrôle en tirant des ficelles, puis elles décident de ce qu'elles vont faire par la suite. Donc c'est comme un processus très aléatoire. Et parfois, elles font ce que vous leur dites de faire et parfois non, ce qui va un peu à l'encontre de ce qu'est l'animation par ordinateur, qui consiste à contrôler les choses. C’est plus proche de la réalisation de films en tournage réel, qui consiste à interagir avec vos personnages et avec des acteurs. "

Nikita Diakur : " L'autre inspiration est donc Thunderdome 97, et les gabbers des années 90. Le gabber est une scène rave qui s'est développée en Hollande et en Allemagne, de la techno hardcore, qui se reconnaît principalement par une ligne de kicks distordus et un tempo super ultra rapide. J'ai donc grandi avec elle dans mon quartier. J'étais très petit quand je l'ai entendu pour la première fois. Je pense que c'est resté en moi depuis ".

Et en bonus de bonus pour celles et ceux qui (comme nous) ne sont jamais rassasiés de Mr Diakur, tentez le grand plongeon !