Voici Thomas Pons, réalisateur/animateur, et Apollo Noir, musicien expérimental électronique, ces deux-là se sont rencontrés sans l’aide de Dieu, mais leur collaboration est bénie sur ce morceau de Apollo Noir, intitulé " Unrelated to God ", ("aucun rapport avec Dieu"). Cette vidéo d'animation en 2D traite de notre relation à Dieu, les petits personnages incarnant la métaphore des Hommes en tant que bâtisseurs de leur propre croyance. Hommes, pierres et particules se transforment dans des cycles mystérieux, les particules devenant gigantesques, les pierres devenant vivantes, les hommes grandissant en sculptures colossales.
Les hommes s'efforcent de nommer Dieu, de le définir, autant qu'ils sont prêts à s'en détacher, ce paradoxe en son et animation est le démarrage d'une évidente complicité entre Thomas et Apollo. Et ça continue, c’est donc le bon moment pour demander à Thomas de parler de leur prolifique symbiose car dans ce post nous allons cheminer de ce clip jusqu'à leur actuel projet en performance scénique et exposition en réalité augmentée pour le festival @electronik_maintenant à Rennes du 1 au 10 octobre 2021. (Infos en bas du post). 

Thomas : "(Un)related To God résonne pour moi comme l'envie perpétuelle de créer un lien entre toutes ces échelles de temps et de matière. C'est la quête éperdue d’un grand tout, cohérent, à la fois magique et logique. Le sentiment le plus anecdotique peut côtoyer des pensées très profondes.  J'aime voir ce projet comme une sorte de long voyage en train : on voit défiler des paysages, parfois jusqu'à l'abstrait, on écoute une musique qui nous faits travailler émotionnellement et les petites réflexions du quotidien se perdent dans une fresque audio-visuelle intime. L'interprétation que chacun.e fait du titre (Un)related To God, puis le lien qu'il.elle fait des sons et des images par rapport à ce titre permet peut-être de voir où on en est sur notre rapport à la foi, à nos propres doutes ou faiblesses. Du moins j'espère que ça pourra faire naître ce genre d'émotions et de réflexions.
Ma foi personnelle est faite de croyances sur des savoirs scientifiques, des envies d'ailleurs, la peur de la mort et de l'inconnu qui s'y attache".

Thomas : "Avoir un avatar comme ce personnage que je dessine et qui m’accompagne au quotidien depuis plusieurs années m'a rassuré au moment où j'ai perdu des personnes qui m'étaient chers, je pense que c'est un peu toutes ces considérations et interrogations que j'essaie d'amener avec moi sur ce clip. Finalement comme mon personnage, le projet m'accompagne désormais au quotidien, il accompagne aussi mes doutes et mes réflexions".

Thomas : "Grâce aux réseaux sociaux nous avions un regard sur nos travaux mutuels avec Apollo Noir. Nous avons fini par nous contacter via Instagram pour parler d’un projet de clip. Le détail amusant était que beaucoup de mes images de l’époque avaient été réalisées en écoutant son deuxième album Chaos ID (car comme beaucoup de dessinateurs.trices j’aime travailler en musique ^^). La connexion artistique préexistait à notre premier échange finalement. 
J’étais particulièrement touché par le deuxième titre de l’album : (Un)related To God, et nous sommes convenus de partir sur ce titre pour le clip".

Thomas : A ce moment-là, je travaillais sur des bibliothèques de pierres réalisées point par point, ainsi que sur ce personnage/avatar.
Généralement je travaille mes images ou mes animations en série sans penser à un rendu final. Je trouve une contrainte graphique ou systémique et je produis jusqu'à ce que la visualisation de l'ensemble me guide vers un format film/livre/numérique etc...
Lorsque nous nous sommes contactés avec Apollo Noir, je pense que j'arrivais à un point-clé du développement de ces univers graphiques et finalement, l'idée de mixer ces différentes bibliothèques a germé. Avec la musique d'Apollo j'ai pu trouver une convergence pour parler de choses intemporelles, presque transcendantes (les pierres et leur immobilité), tout en évoquant des choses plus quotidiennes et anecdotiques (avec les mouvements en boucle des personnages) ".

Thomas : "Assez rapidement, au vu des promesses de ce premier clip, nous avons eu envie de poursuivre l'aventure au-delà de ce format, et de multiples encouragements nous sont parvenus dans ce sens. 
Les compositions d'Apollo et mes images peuvent évoluer ensemble avec bonheur, le clip fige tout ça dans une capsule très rapide à consommer et finalement le format expo/live se prête assez bien à la réinvention/réinterprétation de tous ces éléments".

Thomas : "J’ai fait mes études aux Arts Déco de Paris en section animation, il y a presque 10 ans.
Mon premier court métrage était sur la procession des supporteurs de football qui se rendent au stade et vivent le match à la manière d’une cérémonie religieuse ("Le 12e homme"). Puis j’ai pu réaliser mes premiers clips ("between monuments" / "48 hours").
Je faisais pas mal de test sur l'animation en rotoscopie image par image à ce moment-là (et c'était aussi le sujet de mon mémoire de 4e année).
J’ai ensuite beaucoup travaillé avec ma compagne Julie Stephen Chheng qui est artiste et designer et qui m’a fait découvrir les nouveaux médias et la réalité augmentée en particulier avec la belle influence du Studio Volumique. C’était un retour à l'animation 2D plus classique, mais avec un dispositif assez particulier
Avec Julie, nous avons pu faire une résidence en duo à la villa Kujoyama à Kyoto en 2016. Depuis ce séjour, je n'arrive plus à envisager l'animation 2D comme un média strictement ancré dans l'audiovisuel, mais comme une pratique assez libre qui peut exister de multiples façons. J'ai continué à faire des clips, de la réalité augmentée, mais aussi des expositions, de la VR et depuis peu j'aborde avec l'ami Apollo Noir, un format qui mixe l'exposition et la scène".

Thomas : "Pour le festival @electronik_maintenant à Rennes, il y aura donc une exposition et plusieurs dates de live avec Apollo Noir. La partie exposition est composée de 6 grandes toiles et 4 compositions plus réduites qui toutes s’animent en réalité augmentée. 
La réalité augmentée demande de produire des animations assez courtes (entre 5 et 15 secondes), qui bouclent et doivent être susceptible d'interagir avec des éléments du réel. Il n'y a pas spécialement de storyboard pour ce genre de production, mais des images/illustrations "trigger" (images "gachette" qui déclenchent les animations) induisent la suite d'un mouvement qui revient à son point de départ. Les contraintes du média m'ont amené à envisager la production d'animation par petits segments. 
Une projection interactive est aussi présente à l’endroit où se déroulera le live scénique".

Thomas : "L’exposition et la performance live sont streamées sur Twitch pendant toute la durée du festival sur mon compte. Les personnes qui voudront voir l'exposition sans se déplacer physiquement pourront participer puisqu'ils auront la possibilité, via des commandes textuelles, d'animer des éléments du live et de l'exposition et aussi de changer les axes de caméras qui filment l'évènement pendant les horaires d'ouverture.
Le public "irl" verra aussi la présence du public virtuel avec le défilement du chat projeté sur un écran format kakemono".

Thomas : "Je travaille toujours par accumulation ou par bibliothèque et je ne fais presque jamais de storyboard.
J’accumule des dessins ou des boucles d’animations avec une contrainte ou un style particulier et une fois que j’en ai accumulé un nombre suffisant je transite vers un format plus présentable comme un film, une exposition ou un média interactif. C’est un peu comme une mosaïque je pense.
Je vais dessiner des pierres sur carnet point par point, plusieurs pierres puis plusieurs planches de pierres, presque de manière hypnotique. Puis je vais scanner l’ensemble et recomposer le tout sur Photoshop, After Effect ou Procreate".

Thomas : "Concernant l’animation 2D, l’IPad a changé beaucoup de choses. Je peux travailler des boucles d’animations sur un support très léger et donc je peux travailler en déplacement, sans avoir un bureau fixe et au gré de certaines intuitions.
Et enfin, il y a le streaming qui a pris de l'importance au moment du confinement. 
Comme je n'avais aucune expérience de la scène avant d'envisager ce projet avec Apollo Noir, j'ai voulu tester Twitch pour travailler sur le format performance : Qu'est-ce que dessiner en direct devant une audience, comment créer un événement audio/vidéo avec un début, une fin, un timing précis.
Cette expérience a finalement pris une place prépondérante dans ma pratique au quotidien, et la structure très organique des différents outils liés à Twitch, m'a permis de découvrir une gigantesque boîte à outils interactive avec laquelle je peux tester de nombreuses configurations pour montrer des images et des animations".

Thomas : "Avec Apollo, c’est une découverte permanente : nous avons une manière très empirique de travailler nos médiums respectifs. Je sens une confiance mutuelle. Je ne remets pas en question ses initiatives musicales et je sens une même confiance de sa part sur ma partie image. Le clip était une carte blanche pour ainsi dire… mais comme énoncé précédemment, l’alchimie était presque antérieure au projet, puisque la musique d’Apollo Noir accompagnait déjà mes journées de dessin.
La suite de la collaboration se déroule dans le même registre. On produit, on teste, on épure, on teste à nouveau, et ainsi de suite. J’ai l’impression que, fabriquer de concert, est peut-être le meilleur mode de communication possible.

Thomas : "Pour le live, c’est Apollo Noir qui donne le ton avec une liste de titres qu’il adapte et conforme, cela me sert de guide pour agencer mes images et mes animations.
Pour la partie exposition c’est un peu l’inverse, puisqu’il a composé les sons, les musiques et sonorités ambiantes des animations en réalité augmentée en étant en immersion au milieu des œuvres".

L’expo est gratuite et se déroule au @ccnrb.faire à Rennes .
Il y a des places pour le live dispo ici pour trois dates.  (Jeudi 7/10 . 21h30 / vendredi 8/10. 19h30 / dimanche 10/10. 18h00 ).
Si jamais vous êtes dans le coin de Rennes hésitez pas à passer les voir, mais si vous êtes un peu trop loin, sur Twitch vous pouvez toujours glisser un mot et suivre l’expérience.

Thomas : "Je voudrais partager ici le travail de l'artiste et graphic designer Japonais Motomichi Nakamura, surtout son compte Instagram, car ses expérimentations sont toujours très libres, à la fois simples et poétiques. Il dessine des petits personnages monstrueux depuis plusieurs années maintenant et les places dans des configurations toujours surprenantes. Projection sur des grilles, des draps, des arbres / petits dessins réalisés au feutre et encadrés minutieusement / vidéo jouant sur le relief. Il y a régulièrement une foule de possibilités de montrer un dessin ou une animation sans être dans un livre ou une salle de cinéma. C'est très contagieux comme façon de mettre en scène ses images, ça donne envie de changer d'air et surtout ça montre que ce qui est le plus intéressant pour un artiste selon moi, ce n'est pas tant la finalisation d'une œuvre que son processus de fabrication, mouvant et empirique. 
Cette façon de travailler l'imaginaire, c'est ce qui fait de nos métiers de très beaux métiers".