Originaire de Marseille, parti pour Lyon en 2014, Karl Beaudelere, alias KXB7, a commencé à dessiner au stylo par nécessité : " Je n’ai eu aucune formation artistique et, de ma vie, je n’ai jamais réussi à faire quoi que ce soit qui s’apparente aux arts plastiques ", explique-t-il. Le peintre Jean Dubuffet qui a conceptualisé l’art brut et a réuni la collection de l’Art Brut à Lausanne, définissait le genre selon deux dimensions : d’une part la notion d’auteur autodidacte en dehors du système de l’art, d’autre part, la recherche d’une force esthétique avec l’invention d’un nouveau langage. En 2017, la Collection de l’Art Brut a acquis huit dessins de Karl Beaudelere qui ont intégré la collection Neuve Invention. D'ailleurs en ce moment, les œuvres de Karl Beaudelere sont visbles à la Collection de l’Art Brut jusqu’au 30 octobre et il a été exposé à la galerie Hervé Courtaigne, à Paris VIe, du 14 au 30 septembre 2022. Au cours de son vernissage parisien, il a bien voulu se laisser filmer et parler un peu de sa pratique si particulière.

Karl Beaudelere : " Ce qui m’a poussé à faire de l’art, c’est une question de survie. J’étais au bord du gouffre et j’avais un rêve, gamin : savoir dessiner ou peindre. J’ai voulu vivre mon rêve alors que je me trouvais au pied du mur. Ma dernière chance. Mais je ne savais rien faire, donc ça a été très dur, quatre années de recherche. J’ai commencé au RSA avec 50 euros par mois pour manger. "

Karl Beaudelere : " Le stylo à bille est venu à moi par mon manque de moyens et, en même temps, il m'a permis d'élaborer ma façon de faire. Il n'y a aucune étape, ça vient comme ça vient. "

Photo : Pierre Fantys

Marque de distinction immanquable qui lui donne des airs de super-héros torturé, KXB7 porte un masque - fabriqué par ses soins - pour toutes ses apparitions artistiques. Il analyse : " C’est pour me démarquer et, comme Daft Punk, je veux garder mon identité secrète, rester tranquille. "

Le pouvoir de la prémonition ? Comme les surréalistes qui ont eux-mêmes puisé dans le domaine divinatoire du tarot de Marseille, Karl a été touché par l’invisible, par hasard en pleine rue… Karl Beaudelere : " Quelques années avant que je ne devienne artiste, une voyante m’avait abordé dans la rue et m’avait dit que j’allais devenir un grand artiste célèbre. À l’époque, cela m’a fait très peur et j’ai voulu garder ma confidentialité. Cela a été un facteur décisif dans le port du masque. "
Un aperçu de sa façon de dessiner : 

En 1972, Karl Beaudelere découvre Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, une œuvre qui le marque profondément, au point de choisir plus tard " Beaudelere " comme nom d’artiste. Toutes ses créations sont en lien avec le recueil de Baudelaire, qu’il relit inlassablement et dont il s’est fait tatouer des vers sur le corps dès l’année 1983 : " Les tatouages font partie de ma vie et donc forcément de ma vie d’artiste. "

Quant aux deux noms d’artiste qu’il porte, il explique : " Je croyais être la réincarnation de Charles Baudelaire. Après un rêve et des réflexions de numérologie, j’ai déduit que j’avais l’âme qu’il avait. Mon pseudonyme est un hommage. Et l’homme masqué, lui, c’est KXB7. Il n’appartient à aucune caste, donc il fait partie de toutes les castes, il est universel. Mais je ne travaille pas avec le masque ! "

Concernant ses inspirations, Karl Beaudelere se reconnaît dans la peinture primitive des XIVe et XVe siècles et, quand il ne fait pas d’autoportraits, il aime aussi représenter des personnages illustres, plus contemporains, qu’il apprécie comme Albert Einstein, Salvador Dalí, Michel Houellebecq ou Francis Bacon.

Francis Bacon

Karl Beaudelere peut travailler plus d’un mois sur certains dessins, avec des formats variés, certains, sont même très grands. Ses autoportraits sont réalisés en scrutant sa propre image dans un miroir suspendu près d’une table. Ils apparaissent comme des fantômes issus de la matière du papier, sans contours nets, selon une succession de cercles.

Karl Beaudelere : " Je suis considéré comme un artiste sans famille. À Lausanne, je suis exposé en tant qu’autodidacte dans la section Neuve Invention. Je ne me reconnais malheureusement dans le travail d’aucun artiste vivant, à part le Jeff Koons des années 1990, quand il était avec la star du porno, la Cicciolina. Mais depuis, il a bien changé et a vendu son âme au diable ou au Dieu Dollar… "

Karl Beaudelere : " À mon humble avis, les véritables artistes qui œuvrent pour l'humanité sont des êtres qui ont vécu des choses extraordinaires, qui ont réussi à s'en sortir et qui sont habités par l'envie de donner de l'amour à l'humanité entière pour qu'on s'aime tous - tous ensemble unifiés. "
Pour voir le travail fascinant de Karl Beaudelere, vous pouvez vous rendre à la Collection de l’Art Brut de Lausanne en Suisse jusqu’au 30 octobre.

De 2019 à 2021, grâce à une importante donation de l’artiste et au soutien de la Fondation Guignard (Nyon, Suisse), le corpus de ses œuvres conservé à Lausanne s’est encore enrichi pour atteindre un total de soixante-sept dessins. Cette exposition monographique présente une majorité de dessins issus du fonds du musée, complétés par quelques prêts de l’artiste.
Karl Beaudelere : " Je suis heureux d'être exposé à la Collection de l'Art Brut de Lausanne, car ce sont eux qui m'ont reconnu et c'est Michel Thevoz, l'un des plus grands historiens d’art, qui m'a découvert. "

avec Michel Thevoz.

Ses œuvres sont également visibles au musée Jenisch Vevey (Suisse), à la galerie du Marché à Lausanne (Suisse), au Palais Idéal du facteur Cheval à Hauterives (Drôme), au Centre d’Art Contemporain Christian Karoutzos à Issoire (Puy-de-Dôme), au Musée d’Art Contemporain de Tucheng (Chine), au musée Street Art City (Les Bruyères de Béguin, Allier), ou à la galerie Anna-Tschopp (Marseille).