Que ce soit sur des fresques murales, sur son propre visage maquillé, dans ses illustrations, ses écrits ou ses courts métrages, KASHINK offre au monde un travail coloré, ludique et accessible, comme une véritable célébration de la diversité identitaire, culturelle, sexuelle et sociale. KASHINK : " Mon univers graphique est un travail d’art public autour de l’identité et du questionnement de la normativité. Ma pratique du street-art en fait partie, mais aussi mon maquillage quotidien. Dans la rue, je peins des personnages dont le genre ou les origines culturelles restent libres et ouverts à l’interprétation du public. Mon idée est de proposer des visages très différents de ceux que l’on voit habituellement dans l’espace public, par exemple dans la publicité. Ces images qui nous entourent proposent très peu de diversité dans leur représentation, et sont souvent des photos retouchées pour améliorer les corps. Mon univers graphique propose une alternative à ces codes esthétiques qui me paraissent absurdes. "

Nanterre.
Bangkok.

Le discours de KASHINK a parfois des accents thérapeutiques invitant à l’acceptation de soi. Dans un discours pour TEDxTours, elle invite chacun.e à embrasser les différentes facettes de son identité par la métaphore visuelle d’une tresse. Elle imagine l’identité de chacun.e divisée en différentes mèches qui se croiseraient et se joindraient pour ne former qu’une seule tresse. Très représentative de son œuvre, cette image mélange couleurs et formes pour exprimer un seul discours : celui de l’inclusivité.

KASHINK
Maquillage sur Christina Boots.

On retrouve ainsi dans son travail des inspirations culturelles provenant du monde entier, surtout lorsqu’elle se maquille ou maquille les autres.
KASHINK : " Travailler l’idée des masques m’inspire beaucoup. C’est l'une des rares traditions commune à quasiment toutes les cultures sur les cinq continents. Le masque sert à la célébration de rituels, comme en Afrique, ou à la pratique de l’opéra ou du théâtre comme dans le théâtre Nō au Japon. En Europe, le masque de carnaval est une tradition très ancienne, et existe aussi dans beaucoup d’autres pays d’Amérique Latine ainsi que dans la culture aborigène d’Australie. Le point commun à tous ces masques, ce sont des lignes très simples et très graphiques, des couleurs vives, et parfois des motifs répétitifs. Au-delà de l’objet, le masque permet de transcender l’humain, de relier notre condition à d’autres possibles. Loin de nous cacher, il me semble que le masque, comme le maquillage, peut au contraire nous révéler. Il sert aussi à remettre en question les rôles de chacun.e.s en brouillant les pistes, comme au carnaval, par exemple. Je trouve ces différentes approches très intéressantes. "

 Dans le street-art, KASHINK cherche une certaine forme d’accessibilité et de proximité avec son public.
KASHINK : " Je pense que travailler dans la rue permet de faire passer des messages. Il est important de garder cela en tête quand on crée une œuvre qui va être vue par un très grand nombre de personnes, comme c’est le cas dans le street art. Je ne prépare jamais d’esquisse à l’avance. Je préfère travailler en improvisant sur place, en fonction de comment je me sens devant le mur au moment où je le peins. J’ai besoin de spontanéité, comme on peut trouver dans la musique, où certain.e.s préfèrent improviser que suivre une partition. Les outils que j’utilise sont des bombes aérosol et de la peinture acrylique appliquée au rouleau. "

Barcelone.

On trouve le travail de KASHINK principalement dans le vingtième arrondissement, son quartier, comme le montre son court métrage TEP (ici). Mais on trouve aussi ses fresques dans d’autres quartiers de Paris et alentours : Nanterre, Grigny, Malakoff, mais aussi La Rochelle, Le Mans … Certains de ses projets ont même une dimension internationale, comme par exemple 50 Cakes of Gay ci-dessous. Lors de ce projet, datant de 2012, KASHINK a peint des gâteaux de mariage gay à Los Angeles, Miami, Vienne, Athènes, Berlin, Montréal, en Estonie, au Maroc et en Bretagne.

Comme cela reste encore rare (mais très plaisant) de voir une femme dans le street-art, on a demandé à KASHINK comment elle voit sa place dans cet univers.
KASHINK : " Au-delà du street art, l’histoire de l’art est emblématique de l’inégalité entre hommes et femmes. C’est très facile de citer une dizaine de peintres hommes qui ont marqué l’histoire, mais beaucoup plus difficile de citer quelques peintres femmes. Idem dans beaucoup d’autres domaines, artistiques ou pas. Le journalisme, la politique, la science, tous ces domaines ne font pas non plus exception. Le travail des femmes est souvent invisibilisé depuis très longtemps. Il en est de même pour les minorités de genre. Cependant, j’ai bon espoir car quand j’ai commencé à peindre dans la rue nous étions très peu, et le nombre de street artistes femmes a explosé ces dernières années. "

Malakoff.

On pense bien évidemment à Frida Kahlo lorsqu’on regarde les maquillages de KASHINK mais c’est pourtant un artiste londonien qu’elle nous cite comme référence majeure :
KASHINK : " J’ai été énormément inspirée par le travail de performance de Leigh Bowery, dont l’approche complète m’a beaucoup touchée à l’adolescence. 
Ses costumes et maquillages me paraissent très proches de ce que je souhaite faire passer comme message : un intérêt pour la confusion des genres, le côté éphémère de nos pratiques, l’implication physique totale dans notre travail, la célébration de la diversité complexe de nos identités. "

KASHINK travaille depuis 4 ans à l’écriture d’un livre autobiographique sous forme de journal/essai, qui parle de son parcours artistique et de son maquillage quotidien. Le livre s’appelle Ceci n’est pas une moustache et on l’attend avec une certaine impatience ! (Début 2023)
En attendant, on peut se délecter du travail de Francesca Menghini qui, elle aussi, œuvre à célébrer la diversité dans ses portraits photographiques