Artiste américain, touche-à-tout de la baudruche, prince de l’art du ballon, DJ Morrow reprend des œuvres majeures de l’histoire de l’art ou des personnages de la pop culture avec une maestria qui puise sa force dans les souvenirs d’une enfance passée au sein d’une secte. Son œuvre multimédia, pleine de sens, donne une nouvelle dimension à cet art gonflé.
DJ revient de loin. Né à Rio de Janeiro (Brésil), il a grandi avec ses parents dans la secte chrétienne The Family International, connue en France sous l’appellation Les Enfants de Dieu. Fondée en 1968, la secte a été dissoute dix ans plus tard, après qu’il a été démontré que le culte incitait à la pédophilie, l’inceste et la prostitution. Mais la secte a continué à exister dans la clandestinité. Sa famille a fini par quitter la secte, DJ Morrow a ensuite grandi aux quatre coins de la planète, de Houston (États-Unis) à Taïwan, avec une scolarité assurée jusqu’au lycée par la cellule familiale. Adulte il est revenu habiter au Texas, près de Houston. Parmi ses différentes pratiques, il était notamment connu pour ses vidéos de mariages indiens et pakistanais, toujours à la frontière de l’événementiel et de l’art.
DJ Morrow : " J’ai commencé à tordre des ballons en 2012, j’ai appris les rudiments du métier auprès de mes parents à 16 ans. Je travaillais surtout pour des fêtes d’enfants et des événements corporate. "
DJ Morrow : " Je touchais déjà à la peinture, aux arts numériques, à la vidéo, à la photo et à la musique - DJ est batteur dans le groupe de métal progressif Tera. Mais ma carrière a vraiment décollé en 2019 avec un clown dépressif (“The Entertainer”) grandeur nature que j’ai réalisé dans un bar, tout seul, un soir de Saint-Valentin. J’ai senti que ce personnage suscitait des émotions chez les autres que je n’avais jamais provoquées auparavant. "
DJ Morrow : " Quand le Covid est arrivé, j’ai perdu tous mes revenus événementiels d’un coup. J’étais au chômage et je devais gérer des épreuves psychiatriques. Je ramais pour m’en sortir. Ma planche de salut a été le ballon.
À cette époque, j’ai créé l'œuvre “Reaching” - un moulage en plâtre de ma main qui émerge d’une noirceur ballonesque en tenant une ampoule allumée. Mes problèmes personnels ont été transcendés dans mon art pendant les deux années suivantes. "
Les ampoules, le feutre, la peinture, le moulage, l’art de DJ Morrow semble sans limites et sa créativité s’exprime sur tout un spectre allant de la joie enfantine à l’horreur pop en passant par la dépression et la religion… Sans oublier les questions du monde réel.
DJ Morrow : " La partie la plus cruciale de mon travail est le concept initial : parfois je vais fureter du côté de la santé mentale ou de l’identité, à d’autres moments, je vais me mêler de politique et de société. Ce qui compte pour moi, c’est que l'œuvre ait un sens et serve une cause. Je travaille mon projet au dessin pendant des mois avant de commencer à tordre des ballons. Je travaille à fond sur la composition, la lumière et les couleurs pour obtenir un impact maximal. "
DJ Morrow : " Quand je commence à travailler les ballons, c’est une course contre la montre : j’ai deux-trois jours pour finir avant que ça ne commence à se dégonfler, mais la sculpture tiendra encore une semaine ou deux. Cela explique aussi l’importance de la photographie dans mon œuvre à ce moment-là. L’image perdure ensuite comme un fantôme de la sculpture. Le produit final n’est pas tant la sculpture en ballons que l’image que je produis en la photographiant. "
Concernant ses influences artistiques, DJ Morrow confesse un goût marqué pour l’œuvre de Rupert Appelyard, le dessinateur de BD de DarkHorse Mike Mignola pour sa maîtrise des silhouette et des ombres, ainsi que le symbolisme mystique d’Alejandro Jodorowsky. Il se reconnaît également dans le travail du sculpteur de Lego (ou “brick artist“) Nathan Sawaya.
DJ Morrow : " J’ai mis ma carrière musicale en pause, mais je suis très fier d’avoir pu contribuer à l’album Porcelain Gods avec mon groupe Tera en tant que batteur. J’ai réalisé un clip où je joue sur une batterie entièrement en ballon, j’ai répliqué l’intégralité de mon drum kit. "
DJ Morrow : "Actuellement je travaille sur un triptyque autour du récit biblique de Samson, en commençant par son combat contre le lion, puis sa découverte du miel dans le corps de l’animal qu’il a tué et le lâcher de renards enflammés dans les champs des philistins. C’est ma manière de traiter mes sentiments vis-à-vis de mon enfance dans la secte des Enfants de Dieu. Tout cela a façonné ma perception de la famille, mais aussi par rapport à mon propre avenir. Je vais peindre trois très grands formats avant de commencer à sculpter."
Pour rencontrer DJ Morrow au travail, il faut arpenter les marchés et les foires autour de Houston. Ami des circassiens et du monde burlesque, le génie du ballon nous recommande les travaux de Travis Corsentino pour Tout d'Lou. Il apprécie également Asia Shamas, magnifique artiste du crochet.