Même si la photographie est son point de départ et sa finalité, Petros Efstathiadis fabrique par lui-même tout ce qu’il montre. Il est donc également devenu sculpteur, glaneur, constructeur, chineur et artificier. En résumé : un véritable recycleur. Ses outils : un appareil photo digital, un pickup, une visseuse, une bombe de peinture. Malgré que le nombre de photographies produites soit si massif, Petros Efstathiadis croit fermement que la photographie peut se renouveler et conserver sa valeur artistique sans perdre sa spécificité en se mélangeant à d'autres médias comme les sculptures et les installations. En amalgamant ces disciplines rarement mises ensemble, il produit des scènes d’apocalypse tranquille, où des enfants survivants auraient fouillé dans les restes de notre civilisation pour se construire des zones de jeux de guerre.

Ces bouts de récits implantés en rase campagne, à la fois dystopiques et enfantins, sont autant de machines dangereuses, mais aussi loufoques et improductives. Cependant leur agencement a ce petit degré de sophistication supplémentaire, venu d’un adulte pour qui l’équilibre des formes et des couleurs a une importance. Dans ses visions d’un monde abandonné où les autres aspects de la vie nous auraient lâchés, l'art peut continuer à exister malgré tout et reste plus fort que jamais. Cela laisse présager, c'est presque réconfortant, qu’au cours d’une lente fin du monde, les artistes continueront à nous surprendre en assemblant des débris de civilisation avec une certaine joie. Cependant, devant ce travail que son auteur définit par " simple, calme et intense ", nous avons été suffisamment intrigués pour avoir très envie de lui en demander les motivations avant la fin du monde.

Petros Efstathiadis : " J'ai commencé à faire de la photographie à l'âge de 14 ans. J'étais un photographe amateur qui voyageait avec son appareil, et il m'a fallu dix ans pour réaliser que je voulais faire quelque chose de plus sérieux. Alors j'ai fait mes valises, j'ai trouvé une école, et je suis allé étudier en Angleterre. Et j'ai étudié la photographie classique et la photographie documentaire car je n'avais aucune autre idée ".

Petros Efstathiadis : " Ensuite, je me suis tourné vers une photographie plus conceptuelle, plus axée sur la réflexion, sur les idées. Et cela a changé mon approche. Au début, il s'agissait pour moi de faire des portraits et j’ai commencé à y ajouter des éléments comme le ferait un photographe de studio d'un autre siècle, disposant des objets autour des personnes pour créer des histoires et des récits. Au bout d'un moment, j'ai réalisé que j'étais plus concerné et intéressé par les objets eux-mêmes ".

Petros Efstathiadis : " Alors, pour créer mon propre territoire d’expression, j'ai commencé à mettre en scène des objets. Je suis retourné dans mon village, j'ai utilisé mon passé et mon histoire pour créer toutes ces installations et les photographier ensuite. Mon travail exprime mes origines, l'endroit d'où je viens, c'est comme une extension de mon pays ". 

Petros Efstathiadis : " Donc oui, tout cela parle de politique, de classes sociales, de l'endroit d'où vous venez et de la façon dont cela affecte votre vie. Cela raconte des petites histoires et des grandes idées venant de mon village ou de ma région, des histoires et des idées qui vont essayer de faire le tour du monde. Mais vous pouvez être en Afrique ou en Amérique latine ou même aux États-Unis, les histoires sont plus ou moins les mêmes ".

Petros Efstathiadis : " Mon inspiration vient de ce que je perçois autour de moi, de ce qui se passe dans le monde. Chaque fois que je démarre un nouveau projet, il est lié à ce qui se passe dans mon présent. D’une certaine façon, je documente le présent. On peut dire que je suis un photographe documentaire en quelque sorte, mais avec des réflexes lents. Et donc oui, forcément, vu le contexte, il y a beaucoup de scènes de guerre. Je confectionne des bombes, des incendies, des explosions, toutes ces sortes de choses ".

Petros Efstathiadis : " Je me prends certaines prises de vues dans les os, surtout quand j'explose des objets. Il y a une heure, il faisait 40 degrés et j'ai dû faire exploser quelque chose et c'était assez hasardeux. Quoi qu'il en soit, j'ai réussi à ne pas mettre le feu au village et heureusement, car je voudrais en faire d'autres ". 

Petros Efstathiadis : " Au départ, je fais toujours des dessins, des croquis, des story-boards et ensuite j'essaie de recréer ce qui est sur mon livre. Mais en général, ça ne ressemble plus du tout à mes dessins ". 

Petros Efstathiadis : " Souvent, j'emprunte mes matériaux à des personnes que je connais. Je vais aussi dans des décharges et je me sers. Mais je préfère les matériaux qui proviennent d'une personne, qui ont une histoire et une fonction, ce ne sont pas des déchets. Mais parfois, j'ai aussi besoin d'ordures. Alors j'assemble, je construis mes sculptures, mes installations. Une fois la photo prise, je démonte mon installation et restitue ou remets en place tout ce que j’ai utilisé ".

Petros Efstathiadis : " Je fais tout moi-même, c’est comme une méditation, une façon d'être l'ouvrier, le constructeur, l'artiste, le nettoyeur, d'être tout. Et même d'être le conducteur du camion pour me déplacer avec mon installation et lui donner vie. Puis je prends la photo et l’installation s’enfuit ".

Petros Efstathiadis : " Pour travailler, j'ai pas mal d’outils, j'ai mes Makita (ici), j'ai mon bois, mon béton, mes objets. Je me déplace avec un pick-up pour pouvoir mettre mon installation ou ma sculpture en scène dans un endroit bien précis, choisi à l’avance ". 

Petros Efstathiadis : " J'aime la photographie classique. Pour moi, le cadre puis le tirage sont très importants. 
J'utilise pour cela un appareil photo Phase One (appareils photo digitaux moyen formats et haute définition) (ici). Car je pratique une photographie grand format nécessitant beaucoup de détails. Je réalise ensuite de très grands tirages. Au bout du compte, je veux montrer mon travail de manière traditionnelle, sur des tirages dans des cadres normaux ".

Petros Efstathiadis : " Généralement ceux qui veulent changer le monde sont ceux qui ont des désirs et qui ne sont pas satisfaits. Je suppose que ceux qui sont bien établis ne veulent rien changer du tout.
Mais si vous n'êtes pas établi, vous voulez que le monde continue à changer, pour le meilleur si possible. Mon travail contient quand même aussi un élément de sarcasme. J'essaie de me moquer de l'importance de tous ces sujets, de leur enlever un peu de leur sérieux ".