C’est au cours de sa thérapie que Sarah Beth Morgan a décidé de convertir son trauma en art. Victime de harcèlement pendant sa scolarité, elle nous livre aujourd’hui Between Lines, un film d’animation poétique réalisé avec une talentueuse équipe de plus de 30 femmes qu’elle a su rassembler autour du projet. Une histoire personnelle pour se sauver soi-même et pour aider ceux qui vivent la même expérience.
Sarah Beth Morgan est une illustratrice et réalisatrice de films d’animation. Elle explore les palettes, les personnages et les textures, sur un ton espiègle et décalé. Avec Between Lines (ici), elle choisit un sujet plus grave et tente un style plus sérieux.
Sarah Beth Morgan : "Je voulais ajouter plus de noirceur et de détails à Between Lines, pour que le sujet soit abordé de manière plus impactante. Je me suis vraiment lancée dans un nouveau style que je n’avais jamais approché. "
Sarah Beth Morgan s’inspire de tout ce qui l’entoure : sa thérapie, les réseaux sociaux, les promenades dans son quartier, les magazines d’art … Et même son chien trop mignon, Bandit.
Sarah Beth Morgan : " Pour ce projet en particulier, j’ai vraiment été inspirée par Elle Michalka (ici) et Robin Francesca Williams (là). Leur travail à toutes les deux est incroyable et tellement différent de ce avec quoi je m’amuse habituellement ! ".
Impossible de classer Sarah Beth Morgan dans un style mais ses œuvres ont toutes une même perspective : celle de raconter une histoire et de créer du lien. Elle a su rassembler plus de 30 femmes autour de son projet Between Lines !
Sarah Beth Morgan : " J’ai toujours voulu travailler avec une équipe exclusivement féminine, principalement parce que je voulais me mettre au défi de rencontrer de nouvelles femmes dans le milieu, et de créer une communauté proche et bienveillante. Je me suis dit que Between Lines serait le projet idéal, puisque le thème du harcèlement scolaire résonnait fortement avec ce que les autres femmes pouvaient expérimenter. "
Une autre particularité de ce film est qu’il a été réalisé en pleine pandémie avec des artistes du monde entier. La génèse de Between Lines date de 2019, avec à sa tête Sarah Beth Morgan bien sûr, Rebekah Hamilton (productrice) et Taylor Yontz (lead animatrice). Mais quand la pandémie a éclaté, pour éviter un stress supplémentaire, elles ont décidé de diminuer chacune leur charge de travail. Et c’est ainsi que d’une équipe très réduite, le projet est devenu international.
Sarah Beth Morgan : " Nous ne voulions stresser personne plus que nécessaire, et nous ne voulions pousser personne à travailler super dur pour une si petite rémunération. Donc former une plus grande équipe semblait être la solution la plus logique. Cela nous a demandé beaucoup de travail de trouver tous ces incroyables talents et de les convaincre de travailler sur le projet. Mais en tant que freelance, j’étais déjà à l’aise avec le fait de travailler à distance avec des artistes du monde entier. "
Toute l’équipe est présentée sur le site du film, allez y faire un tour, elles sont merveilleuses !
Avec autant de personnes à l’ouvrage, autant d’animatrices qui travaillent chacune sur un ou deux plans, on peut se demander comment au final on réussit à créer une œuvre cohésive.
Sarah Beth Morgan : " Je pense que si le style des illustrations est consistant, c’est beaucoup plus simple de faire en sorte que l’animation soit consistante. Puisque j’ai designé moi-même l’essentiel des visuels, tout était déjà plutôt cohérent. À partir de là, il fallait juste trouver les bonnes personnes avec les bonnes compétences. Je préparais aussi des briefs créatifs très détaillés sur une Dropbox, avec des exemples du genre de travail que nous recherchions, ce qui a définitivement aidé. "
Between Lines a commencé sa vie festivalière au Brooklyn Film Festival le 10 juin dernier avec, et hop, un premier prix dans sa valoche ! Pour la réalisatrice, bien qu’elle soit extrêmement fière de ce que l’équipe a achevé, et impressionnée par la qualité du travail de chacune, l’expérience en elle-même de la création du film a pris le pas sur le résultat final. En plus d’un bel objet animé, le projet a guéri certaines blessures et créé des amitiés durables.
Sarah Beth Morgan : " Le projet a aidé nombre d’entre nous à nous sentir utile au début de la pandémie, et j’ai rencontré quelques-unes de mes meilleures amies en travaillant dessus. Ça me semble bizarre de ne plus discuter tous les jours avec toutes ces femmes super talentueuses. Ça me manque. "
Avec son parcours en festival, la réalisatrice voudrait atteindre un public plus large et avoir plus d’impact. Le projet est partenaire de la Bloom Foundation qui aide les jeunes filles à retrouver confiance après des expériences difficiles. Dans un futur proche, la réalisatrice souhaiterait organiser une projection avec les étudiantes de la fondation. D’autres projets sont en cours de réflexion, et peut-être la création d’un podcast destiné au milieu de l’animation.