Petra Collins fait partie de ces artistes pluridisciplinaires dont le talent se répand à travers tant de médias différents que cette courte introduction est bien loin de la définir totalement. Essayons tout de même : photographe, réalisatrice, modèle, autrice, curatrice et designer, Petra interroge l’identité féminine contemporaine dans son œuvre personnelle mais aussi pour la mode, la publicité, la musique et le monde de l’art. Maintenant que les présentations sont faites, Brainto vous invite à embarquer dans le monde cru et fantasmagorique, brut et sophistiqué de cette artiste canadienne.

Née en 1992, Petra est, par définition, une millenial et c’est ce qui rend, en partie, son travail si intéressant. En effet, en regardant l’intégralité (ou presque) de son œuvre, on y découvre le témoignage visuel d’une jeune femme marquée par une époque où le corps féminin évolue dans de multiples réalités. Photographe depuis ses 15 ans, elle propose, dès ses premiers travaux entre 2010 et 2015, un “teenage gaze” (regard d’adolescente) à la fois cru et tendre sur des moments d’intimité représentatifs d’une époque en mutation permanente.


Dans sa série “Selfie”, démarrée en 2013, elle pose un regard différent sur cette pratique photographique par les adolescentes. Elle capture les séances de selfies et les moments de partage et de tri qui accompagnent leur mise en ligne. Elle propose ainsi d’examiner cette culture du selfie comme outil d’empowerment pour ces adolescentes qui ont le pouvoir de créer, d’organiser et de distribuer leurs propres images.


Petra, dont le compte Instagram avait été censuré en 2013 à cause d’une photo d’elle en bikini sans épilation, a développé un discours tout particulièrement féministe au sujet de l’exposition du corps féminin en ligne.

Dans une lettre ouverte, publiée la même année, dans le Huffington Post, elle dit : " La suppression de mon compte m’a semblé être un acte physique, comme si le public venait vers moi avec un rasoir, m’enfonçait le doigt dans la gorge, me forçant à me couvrir, me forçant à succomber à la représentation de la beauté dictée par la société. Il semble que ces pressions très réelles auxquelles nous faisons face tous les jours peuvent se transformer en censure littérale. "

L’adolescence, le corps féminin et les réseaux sociaux sont les trois ingrédients principaux des œuvres produites par Petra. Que ce soit pour la mode (Vogue Ukraine (ici) ou (là) Bimba y Lola), dans ses vidéoclips (pour Olivia Rodrigo ou pour Selena Gomez) ou dans ses travaux personnels, Petra expose des corps en mutation et/ou en recherche d’auto-érotisation naviguant dans une société de l’image en constante évolution.


Dans sa série de photo nommée “Baron”, Petra se met elle-même en scène avec ses sœurs. En collaboration avec la sculptrice Sarah Sitkin, qui a créé des moules des trois protagonistes, la photographe nous plonge dans un monde créé à partir de ses propres pensées personnelles perverses.
Petra Collins : " J’ai vu mon appareil photo révéler de nombreuses vérités. Et les vérités qui m’ont le plus choquée étaient les miennes. Je les vois dans chaque image que j’ai prise. Je suis rarement le sujet de mes images, mais je m’y retrouve souvent. "


Dans sa dernière série photo, nommée “Fairy Tales”, elle met en scène l’actrice Alexa Demie avec qui elle a écrit les textes du livre éponyme. Il s’agit d’un recueil de neuf nouvelles, hommage aux contes de fées que les deux autrices utilisaient pour échapper à la réalité de leur enfance douloureuse. Dans des pavillons de banlieue, sur des parkings ou dans des décors fantasmagoriques, se mélangent fées, sirènes, elfes, esprits des eaux et sorcières, sur fond de BDSM soft et de modifications corporelles. Le projet est également accompagné d’un court métrage, intitulé “Tűz Anya”, dont l’atmosphère énigmatique nous laisse dans un état de délicieuse frustration (ci-dessous).

Depuis l’année dernière, les médias annoncent la sortie imminente du premier long métrage de Petra Collins produit par Drake. Le film, intitulé “Spiral”, serait un thriller psychologique dans lequel Selena Gomez interpréterait une influenceuse addict aux réseaux sociaux.
En attendant, plongez dans l’étrange court métrage “Anyu” sorti en septembre : " Les sujets A et P ont été les patients zéro d'un nouveau traitement révolutionnaire appelé Projet Anyu. Nous les regardons, maintenant adultes, naviguer à travers leurs malheureux effets secondaires. "

Cette année, l’artiste multidisciplinaire a également ajouté une corde à son arc en sortant sa première gamme de vêtements en tant que designeuse. Esthétique pale du début des années 2010 et formes invitant au cocooning, la série de vêtements I’m sorry est une véritable invitation à une pyjama party à laquelle la sœur de Tom de MySpace aurait participé.

Si cette invitation à voyager dans le temps vous tente, vous pouvez également prolonger le voyage pour aller jusque dans les années 2000, à la découverte de la collection de pochettes de R’n’B d’Elisabeth Gomes Barradas lorsqu’elle était adolescente. Si le projet vous plait, Elisabeth a lancé un Kickstarter pour financer son livre et elle est exposée en extérieur sur le pont Saint-Ange, à côté du métro La Chapelle à Paris, en lien avec le festival Circulation(s).


