Isabel Reitemeyer

Isabel-Reitemeyer-Portrait-à-16.52.45.jpg

La collagiste berlinoise Isabel Reitemeyer réussit à exprimer complètement ses émotions avec le minimum d'éléments possible, ayant simplifié au maximum les images auxquelles elle s’attaque. De quelques traits de cutter, elle dé-visage les humains, raccourcit les voitures, démembre les animaux. Tout en tendant à une certaine perfection, Isabel déclenche aussi le sourire. Les cibles auxquelles elle s’attaque en ressortent à la fois purifiées mais possiblement ridicules, dépouillées de l’essentiel ou du superflu. C’est à présent au spectateur de combler les manques ou d’incorporer avec une joie enfantine la nouvelle «&nbsp;créature&nbsp;» à son bestiaire imaginaire personnel. Suivant sa règle "moins c'est plus", Isabel Reitemeyer créée ainsi de nouveaux espaces dans des images qui se seraient en quelque sorte mangées elles-mêmes de l’intérieur. Les nouvelles interprétations aux espaces simplifiés qu’elle propose sont étonnement apaisantes et le plus souvent sur fonds simples ou unis. &nbsp;&nbsp;<figure class="image image_resized" style="width:75%;"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_08_afe79de1f7.jpg"></figure>Elle dit aimer les créatures imparfaites. Les siennes pourtant nous semblent tendre vers une possible perfection. Elles sont pourtant complètement absurdes, comme l’œuvre d’un(e) biologiste en proie à la folie qui aurait généré de nouvelles espèces en se contrefichant de leur viabilité. Devant ces «&nbsp;créatures&nbsp;», on se sent libre de toute association, interprétation, direction, les visages et yeux étant souvent retirés, aucune influence émotionnelle due aux expressions faciales ne peut s’imposer. On se retrouve le cerveau en totale liberté pour vivre à notre guise les bizarreries du freak show qui nous sont proposées. Isabel a accepté avec gentillesse de nous raconter un peu les dessous de son entreprise hautement soustractive.<figure class="image"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_15_72c21b43d4.jpg"></figure>Isabel Reitemeyer&nbsp;: «&nbsp;En fait, j'ai toujours été créative et j'ai toujours aimé dessiner et peindre. Il était donc évident pour moi de faire quelque chose dans ce domaine. À l'âge de 18 ans, j'ai décidé de faire un apprentissage d'étalagiste. Pendant cette période, j'ai rencontré un artiste qui m'a beaucoup montré et que j'ai pu accompagner partout. Tout cela m'a beaucoup inspiré et j'étais très motivée pour continuer dans cette voie. J'ai alors étudié le graphisme tout en continuant à peindre à côté. Vers 2007, j'ai commencé à mélanger les matériaux et, par exemple, à incorporer dans mes peintures des photos de mon petit neveu nouveau-né et de vieilles affiches que je ne voulais pas jeter. C'est ainsi que sont nés les premiers collages mixtes sur toile, qui ont ensuite évolué vers des collages purement papier. Je ne sais plus vraiment à quoi je pensais à l'époque. Il y a bien trop longtemps&nbsp; maintenant.&nbsp;»<figure class="image image_resized" style="width:75%;"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_10_d20f48aa89.jpg"></figure>Les mains, les bras, les jambes et leurs positions en disent souvent beaucoup plus que les mots, les vêtements. Elle n’hésite pourtant pas à les supprimer. Isabel Reitemeyer&nbsp;: «&nbsp;Je n'ai pas directement de but en simplifiant ainsi les images. Mais j'aime que ce soit ordonné et calme. Du moins sur le papier. J'essaie d'exprimer un sentiment avec le moins de matériel possible ou d'en enlever tellement qu'à la fin, il reste encore quelque chose de significatif. Ce que je peux enlever, c'est ce que j'explore.&nbsp;»<figure class="image"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_01_d99a7ee7f7.jpg"></figure>Isabel Reitemeyer ne cherche pas à embellir les images, elle les dépouille jusqu’à l’os à la recherche de leur essence, créant des êtres ou des objets nouveaux et en quelque sorte résumés : boules de poils, ou vitres sur roues. Elle n’a aucune limite dans la soustraction.<figure class="image image_resized" style="width:75%;"><img src="/uploads/Isabel_Pochette_de_disque14_01_10_2ff302e4bb.jpg"><figcaption>Pochette de disque <a href="https://www.instagram.com/talkingtoturtles/?hl=fr">pour</a> Talking to Turtles&nbsp;</figcaption></figure>Isabel Reitemeyer&nbsp;: «&nbsp;Dans mon processus, je commence par chercher du matériel (livres et magazines) dans les friperies, sur les marchés aux puces, etc. Je le feuillette et si quelque chose me plaît, je le découpe. En général, il s'agit d'images avec des zones, des divisions et des arrière-plans clairs. Si c'est le cas, il s'agit souvent d'un bon matériel avec lequel je vais pouvoir travailler. Ensuite, j'enlève tout ce que je n'aime pas dans l'image. Il s'agit souvent des éléments principaux de l'image, comme les yeux. J'essaie alors de les réduire au minimum. Si le résultat est une bonne image, je la garde. Sinon, j'en essaie une autre. Pour tout cela, j'utilise généralement des ciseaux, parfois un couteau de bricolage, du papier et du Fixogum Rubber Cement (une colle élastique et amovible).&nbsp;»<figure class="image image_resized" style="width:75%;"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_07_bf2a167f7d.jpg"></figure>Isabel est une travailleuse manuelle, elle pense que le travail analogique ne disparaitra jamais. Dans certains domaines, les nouvelles technologies sont un enrichissement, une amélioration. Mais dans d'autres domaines, comme l'art et le collage, ce n'est pas obligatoirement le cas. Il semble bien que ceux qui aiment travailler de manière numérique continueront à le faire, et ceux qui aiment travailler de manière analogique continueront à le faire aussi. Chez elle, les traits de coupe et les épaisseurs de collage restent visibles, le hasard peut faire partie de son processus, et pas de retour en arrière une fois qu’elle est lancée.<figure class="image image_resized" style="width:75%;"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_02_b3702eade4.jpg"></figure>Isabel Reitemeyer&nbsp;: «&nbsp;J'aimerais laisser à chaque spectateur l'interprétation de ce que j’ai pu vouloir défendre ou exprimer dans mes collages.&nbsp;»<figure class="image"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_19_66fe8e2cbb.jpg"></figure>L’intérêt de son travail réside aussi dans le fait qu’elle fabrique des familles, des corpus. Un peu comme si elle était à l’origine de nouvelles espèces sans véritable conceptualisation au préalable. Isabel Reitemeyer&nbsp;: «&nbsp;Pour démarrer une nouvelle série, il suffit que des images ou des photos me plaisent au départ pour que je me lance. C’est l’élément déclencheur.&nbsp;» Ainsi, au moment où nous vous parlons du travail de Isabel Reitemeyer, il semblerait qu’elle soit tombée sur un magnifique filon de photos d’automobiles donnant lieu à de sublimes voiturettes raccourcies.<figure class="image"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_18_d8912c0920.jpg"></figure>L’absurdité visuelle de sa proposition peut avoir un certain pouvoir comique sans que cela donne l’impression que ce soit l’effet recherché. Cependant, son freak show charcuté est souvent drôle et attendrissant malgré le traitement implacable qu’elle inflige à ses sujets. Isabel Reitemeyer&nbsp;: «&nbsp;Ces dernières années, et plus particulièrement au début de l'année dernière, nous avons été inondés de nouvelles terribles (guerre, bouleversements climatiques, Covid, etc.) Pour pouvoir supporter tout cela, je voulais et je devais y opposer quelque chose qui me remonterait le moral. Je pense que l’humour dans mon travail est principalement une confrontation ou une réaction à ce qui se passe autour de moi en ce moment.&nbsp;»<figure class="image image_resized" style="width:75%;"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_06_4b4586641f.jpg"></figure>Isabel Reitemeyer&nbsp;: «&nbsp;Ce qui m’inspire tant chez les animaux est leur authenticité, leur sincérité, leur vivacité, leur comportement et leurs similitudes avec nous, les humains.<figure class="image"><img src="/uploads/isabel_reitemeyer_16_d9fe2ba708.jpg"></figure>Isabel Reitemeyer&nbsp;: «&nbsp;J'aime particulièrement le travail de l’artiste suisse Beni Bischof. Je suis très sensible à son art et son humour.&nbsp;»<figure class="image"><img src="/uploads/Capture_d_ecran_2023_04_13_a_11_49_05_1ebd16cf16.jpg"></figure>Et nous, à la suite de cela, d’avoir envie de vous aiguiller sur le travail de l’<a href="https://www.brainto.com/posts/montre-a-personne">artiste belge</a> Katrien de Blauwer dont le travail de «&nbsp;cut&nbsp;» et collage va aussi vers la simplicité par la réduction. Impossible de ne pas la mettre en lien également avec <a href="https://brainto.com/posts/distorsions-de-realite">notre chère</a> Lola Dupré pour leur amour commun des chats et chiens.

large_img20210417_19052685.jpg

medium_img20210417_19052685.jpg

small_img20210417_19052685.jpg

thumbnail_img20210417_19052685.jpg

img20210417_19052685.jpg

large_isabel reitemeyer-Front-2023-04-11-à-13.44.45.jpg

medium_isabel reitemeyer-Front-2023-04-11-à-13.44.45.jpg

small_isabel reitemeyer-Front-2023-04-11-à-13.44.45.jpg

thumbnail_isabel reitemeyer-Front-2023-04-11-à-13.44.45.jpg

isabel reitemeyer-Front-2023-04-11-à-13.44.45.jpg

collage par soustraction

image

large_Isabel-Reitemeyer-Portrait-à-16.52.45.jpg

medium_Isabel-Reitemeyer-Portrait-à-16.52.45.jpg

small_Isabel-Reitemeyer-Portrait-à-16.52.45.jpg

thumbnail_Isabel-Reitemeyer-Portrait-à-16.52.45.jpg

Isabel Reitemeyer

Allemagne