Gabrielle Stemmer

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Ce montage irrésistible rassemblant des vidéos TikTok tournées par des maitresses de maison lors du confinement est une porte d’entrée sur la démarche de la réalisatrice documentaire Gabrielle Stemmer et plus largement vers le genre du “desktop movie“. La matière première de ses films est la masse de publications sur les différents réseaux exposant à la fois du superficiel distrayant ou de l’intime profond.&nbsp;<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok4_1b4a24e46d.jpg"></figure>Dans Women on TikTok, les femmes sont&nbsp;belles&nbsp;et drôles. Elles font de leur confinement et de leur fonction de&nbsp;maitresse de maison un&nbsp;spectacle divertissant et grinçant. Elles sont “girl power“ et éduquent leurs hommes à l’entretien. C’est tout à fait&nbsp;jubilatoire et va vous donner envie de voir le&nbsp;documentaire plus conséquent (21’) et sérieux réalisé par&nbsp;Gabrielle Stemmer appelé&nbsp;Clean With Me (After dark). Il se présente en forme de “desktop movie“ —film qui se passe sur un ordinateur et fabriqué à partir de captures d’écran— Il nous avait happés&nbsp;lors de sa découverte au festival du court-métrage de&nbsp;Clermont-Ferrand en Compétition Nationale où il a gagné le prix spécial du jury. Il est&nbsp;<a href="https://www.brefcinema.com/films/clean-with-me-after-dark">visible</a> en Vod sur Bref cinéma avec un compte. (Ou avec un compte d’essai gratuit&nbsp;;)<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok6_4ef1042c35.jpg"></figure>Clean With Me met en scène des “cleanfluenceuses“ —des influenceuses américaines qui publient des vidéos&nbsp;YouTube sur leurs pratiques du ménage. Ce sont des vidéos façon&nbsp;tuto nommées ou hastaguées “Clean With Me” mises en ligne par des blogueuses américaines mettant en scène leurs sessions de&nbsp;ménage idéal en musique et en rythme, suivies par des milliers de&nbsp;followers. Par cette forme de “desktop movie“, en passant d’une fenêtre à une autre à travers&nbsp;trois médias, on suit l’enquête de Gabrielle Stemmer qui commence de façon plutôt légère par leurs vidéos&nbsp;YouTube dynamiques et&nbsp;entrainantes de ménage&nbsp;ultra parfait, puis pénètre dans leur intimité plus&nbsp;sombre&nbsp;dévoilée dans leurs posts&nbsp;Instagram, et enfin, par GoogleMaps qui les géo localise dans leur contexte&nbsp;physique. Un voyage exotique —dans des sphères pourtant pas si lointaines— à la fois tordant et&nbsp;glaçant tant on sent le&nbsp;désespoir affleurant chez elles. Ces femmes —majoritairement épouses de&nbsp;militaires— sont très&nbsp;isolées, ayant déménagé&nbsp;souvent, laissées&nbsp;seules par des maris en mission lointaine. Elles révèlent sur Instagram leur état&nbsp;dépressif et l'effet&nbsp;thérapeutique du ménage sur elles. Cette&nbsp;occupation meuble le vide de leur&nbsp;temps et ces vidéos donnent tout simplement un sens à leur&nbsp;vie.&nbsp;<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok8_60e79a63e2.jpg"></figure>Lors du visionnage de ce film, on&nbsp;navigue ainsi comme sur son propre&nbsp;ordinateur du large au serré dans la matière documentaire publique et&nbsp;impudique de cette communauté de femmes seules rassemblée par&nbsp;hashtag, C’est vraiment une expérience&nbsp;entrainante et convaincante. Ces films à la forme particulière méritent quelques&nbsp;explications, alors on a demandé à&nbsp;Gabrielle Stemmer. Elle nous a&nbsp;répondu gentiment.&nbsp;<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok9_21de1be58e.jpg"></figure>Gabrielle Stemmer&nbsp;: “Women on TikTok, c’est vraiment un&nbsp;clin d’oeil à Clean With Me (After Dark), quand pendant le confinement j’ai commencé à utiliser&nbsp;TikTok. J’ai assez vite repéré qu’il y avait un&nbsp;filon ménage sur l’application, et que ça donnait lieu à des vidéos très&nbsp;drôles : j’ai pensé ce court film comme une&nbsp;compilation un peu orientée, l’occasion d’aborder le sujet de la&nbsp;charge mentale et du confinement, tout en montrant que les femmes ont de l’humour ! C’est le pendant comique de Clean With Me.<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok1_b2fcde9445.jpg"></figure>Gabrielle Stemmer&nbsp;: “Clean With Me (After Dark) a été le premier film que j’ai réalisé sous cette forme du “desktop movie“. C’était mon film de fin d’études à la Fémis, (École nationale supérieure des métiers de&nbsp;<a href="https://www.femis.fr/">l'image et du son</a>) et c’est même à la Fémis que j’ai découvert l’existence de ce type de film, quand&nbsp;Marie-Pierre Duhamel Müller, lors d’un cours, nous a montré Transformers : The Premake de Kevin B. Lee (un film&nbsp;<a href="https://vimeo.com/101179538">à voir</a>). C’était au moment où je réfléchissais à la manière dont j’allais pouvoir traiter le sujet des&nbsp;cleanfluenceuses sur Youtube, et donc c’est tout&nbsp;naturellement que je me suis tournée vers cette voie-là. Ensuite j’ai pris goût à la fois à cette manière de créer de la&nbsp;narration, et à l’utilisation d’images venues d’internet. Toute cette matière documentaire disponible pour tout un chacun, c’est une vraie&nbsp;mine d’or. Et sinon, à la Fémis, ça n’a posé aucun problème, j’ai même été&nbsp;encouragée à explorer tout ça“.&nbsp;<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok12_b993bc11fa.jpg"></figure>Sur YouTube, des&nbsp;centaines&nbsp;de femmes se filment en train de nettoyer leur maison. Par exemple celle-ci :<div class="raw-html-embed"><iframe src="https://www.youtube.com/embed/4uMBINlVubQ" title="YouTube video player" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="" width="560" height="315" frameborder="0"></iframe></div>Gabrielle Stemmer&nbsp;: “Ce sont les femmes au&nbsp;foyer sur internet qui m’intéressent. L’acte de se&nbsp;filmer et de se poster, à la fois poursuite de&nbsp;reconnaissance et appel à l’aide, et la manière dont l’espace&nbsp;domestique s’ouvre au monde extérieur tout en se repliant sur lui-même (puisqu’il devient à la fois espace&nbsp;privé et espace&nbsp;public&nbsp;via YouTube). Du point de vue du&nbsp;féminisme, c’est une communauté particulièrement intéressante à&nbsp;observer&nbsp;car la manière dont ses membres utilisent les réseaux montre à la fois comment les vidéos, les tendances, les hasthags, contribuent à véhiculer des modèles&nbsp;toxiques, car rétrogrades, parfois sous des airs de modernité et d’empouvoirement, et en même temps, c’est grâce à ces réseaux que certaines femmes créent des espaces de&nbsp;solidarité, mettent en place des&nbsp;ressources, font communauté, s’organisent et se soutiennent. En ce sens, il y a un fort potentiel&nbsp;émancipateur des réseaux sociaux.<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok5_aea7fd5a49.jpg"></figure>Gabrielle Stemmer&nbsp;: “J’aime l’idée que toute la matière est à&nbsp;disposition, et que c’est par la manière de les agencer, en utilisant le milieu dont elles viennent (internet, l’ordinateur, les sites en question), qui fait émerger un&nbsp;discours“.&nbsp;<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok14_689e4a1048.jpg"></figure>Gabrielle Stemmer&nbsp;: “Internet est tout à fait comme une source documentaire, avec en plus ceci de nouveau que les images sont produites par les personnes concernées —dans le cas des vidéos YouTube ou des stories Instagram par exemple. C’est un reflet direct du monde et surtout des préoccupations et des manières de faire de ceux qui sont à l’origine de toutes ces images.&nbsp; Ainsi que de tous ces mots envoyés à qui veut bien les recevoir, en un clic“.<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok3_9f46de287b.jpg"></figure>Gabrielle Stemmer&nbsp;: “Pour&nbsp;Women on TikTok j’ai simplement&nbsp;collecté&nbsp;des vidéos et les ai montées dans Avid. Pour un film comme&nbsp;Clean With Me, j’utilise le&nbsp;<a href="https://www.araelium.com/screenflick-mac-screen-recorder">logiciel</a> Screenflick pour faire des&nbsp;captures d’écran, que je&nbsp;monte ensuite dans le logiciel Avid. Je les découpe, les zoome,&nbsp;recrée des&nbsp;plans à l’intérieur. J’ajoute parfois directement des vidéos&nbsp;téléchargées d’internet et les fonds dans le décor du desktop et de la navigation. Il y a pas mal de&nbsp;trucages aussi pour ne pas avoir à ré-enregistrer les images quand parfois au fil du&nbsp;montage les enchaînements changent, tout en gardant une&nbsp;illusion relative de&nbsp;continuité, de manière à reproduire l’expérience de la navigation“.<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok7_847b06e77f.jpg"></figure>Gabrielle Stemmer&nbsp;: “Cette expérience de navigation, pour moi, c’est avant tout une manière de créer une narration (que cherche-t-on ?), d’induire la présence d’un narrateur (qui clique ?), et diriger le regard du spectateur. Je pense aussi que cette manière de faire apporte un sentiment de familiarité et donc de proximité pour le spectateur, habitué à naviguer lui-même“.&nbsp;<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok11_85af7da97c.jpg"></figure>Gabrielle Stemmer&nbsp;: “Je viens de finir le montage du premier long métrage de Céline Devaux, et j’enchaîne avec la réalisation d’une websérie pour Arte, qui reprend la forme du desktop documentaire. Chaque épisode décortique une tendance du YouTube féminin - du ménage à la productivité, en passant par la maternité et la beauté“.<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok2_a1d0c86776.jpg"></figure>Gabrielle Stemmer&nbsp;: “J’encourage les personnes&nbsp;intéressées à regarder&nbsp;<a href="https://vimeo.com/94101046">le film</a> de Kevin B. Lee que j’évoquais plus haut, et sinon, j’ai été bluffée par “Vie et mort d’Oscar Perez“, de&nbsp;Romain Champalaune, un film qui n’utilise que des&nbsp;contenus postés sur les&nbsp;réseaux et sans en montrer les interfaces, pour retracer la carrière et les derniers jours de ce&nbsp;militaire vénézuélien“.<div class="raw-html-embed"><iframe src="https://player.vimeo.com/video/101179538?h=c42c93c872&amp;color=00FF00&amp;title=0&amp;portrait=0" allow="autoplay; fullscreen; picture-in-picture" allowfullscreen="" width="640" height="360" frameborder="0"></iframe>
<a href="https://vimeo.com/101179538">240. TRANSFORMERS: THE PREMAKE</a> from <a href="https://vimeo.com/kevinblee">Kevin B. Lee</a> on <a href="https://vimeo.com">Vimeo</a>.</div>Étant nous-mêmes des personnes très intéressées par les “desktop documentaries“, &nbsp;on vous recommande également ces deux supers films.&nbsp; “Vie et mort d’Oscar Perez“ est&nbsp;<a href="https://www.on-tenk.com/fr/documentaires/net-found-footage/vie-et-mort-doscar-perez">visible</a> en Vod sur la plateforme Tënk.&nbsp;<figure class="image"><img src="/uploads/Femmes_Tik_Tok10_9861abc60c.jpg"></figure>Et, bien sûr, on va continuer à suivre les projets de&nbsp;Gabrielle Stemmer&nbsp;qui est déjà avec ses premiers films une référence dans ce genre aux ressoureces inépuisables.

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